Le terrorisme individuel

Bertrand Nzohaboyano
(Photo AFP)

Samedi à Jouè-les-Tours et dimanche à Dijon ont eu lieu deux formes d’agression particulièrement inquiétantes au sujet de ce que nous réserve l’insécurité dans les mois et les années qui viennent. À Jouè, un jeune homme d’une vingtaine d’années, Bertrand Nzohaboyano, vêtu d’une djellabah, s’est précipité sur un commissariat de police et a blessé trois agents au couteau avant d’être abattu. À Dijon, un déséquilibré d’une quarantaine d’années a jeté sa voiture à deux reprises contre des groupes de piétons, faisant onze blessés dont deux graves. Il a été arrêté.

ON AURA davantage d’informations dans la journée sur les motivations des deux agresseurs. Mais il ne faut pas être psychiatre pour deviner que le terrorisme individuel gagne du terrain. Les deux crimes ne résultent d’aucune cupidité, ils sont gratuits ou commis au nom d’Allah, selon des témoins qui croient avoir entendu, dans les deux cas, les agresseurs crier « Allahou Akbar! » Ce point a été infirmé en ce qui concerne l’attaque de Dijon, mais, dans le premier cas, on constate que l’agressivité, liée ou non à la démence, trouve une finalité en s’associant au combat djihadiste. En d’autres termes, pour des esprits troublés, la revendication terroriste aiderait à justifier leurs actes aux yeux de ceux qui n’ont pas de réelle raison de les commettre. Le djihad comme remède à la dépression, en quelque sorte.

Pas de prévention possible.

C’est très alarmant, car aucun effort de prévention ne peut mettre les gens à l’abri de ces comportements. On ne peut pas soupçonner tous les malades mentaux (pour autant que la maladie soit établie dans la cas de Joué) de vouloir commettre des crimes de sang ; on ne peut pas mettre un policier derrière chaque citoyen qui se promène dans la rue, ce qui d’ailleurs n’empêcherait pas l’agression ; on ne peut pas prévenir des drames qui naissent dans la tête de quelques personnes dérangées et ne seraient pas le produit d’une conspiration. De ce point de vue, l’appel à la « vigilance » lancé ce matin par le président Hollande me semble relever du dérisoire.

Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, est resté très prudent sur la qualification des deux crimes. La suite lui a donné raison, car la procureure de Dijon a exclu toute agression de nature terroriste. L’homme, un Français né à Strasbourg, est un déséquilibré. C’est plus tard, après avoir pris connaissance de tous les détails, que le ministre décidera si Nzohaboyano a agi en « loup solitaire » du terrorisme, s’il a pratiqué le djihad spontanément et sans en rendre compte à quiconque, ou si, au contraire, il a été manipulé par un réseau terroriste. Le problème posé est celui du malaise national qu’engendrent de telles agressions, la quasi certitude qu’il n’y a pas de remède contre ce mal, le basculement dans une insécurité d’un nouveau genre.

Si de tels actes devaient se produire de nouveau, ils entraîneraient des réactions d’auto-défense qui aggraveraient un climat sécuritaire déjà pesant. Le problème de l’auto-défense, c’est qu’elle s’arroge le droit de punir des personnes qui n’ont pas commis le crime, mais qu’elle associe aux criminels pour les pires raisons ethniques ou religieuses.  Heureusement, on n’en est pas là. On a toutes les raisons de craindre néanmoins que nombre de nos concitoyens cèdent à la panique, soit en prenant des précautions qui empoisonneront leur vie sans vraiment les protéger, soit en réagissant avec fureur.

RICHARD LISCIA 

PS-À Nantes, lundi soir, un automobiliste a jeté sa voiture contre un marché, blessant de nombreuses personnes, dont quatre sont dans  un état grave et une en état de mort clinique. Là non plus, pas de trace de terrorisme. C’est la loi des séries. Il s’agit d’un déséquilibré. L’insécurité n’en pas moins grande.

 

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