Ukraine : drôle de paix

Grand gagnant (Photo AFP)

Grand gagnant
(Photo AFP)

L’Ukraine, les séparatistes ukrainiens, la Russie, les Européens représentés par François Hollande et Angela Merkel et l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) ont conclu ce matin à Minsk, après des négociations longues, intenses et tendues, un accord de paix qui, pour le moment, ressemble plutôt à un cessez-le-feu. C’est un pas énorme vers la paix, mais pour ce que l’on en sait, ce sera une paix russe. Vladimir Poutine a été le premier à annoncer l’accord, alors qu’il semblait ne pas en vouloir. S’il l’a signé, c’est qu’il a obtenu des concessions essentielles pour la Russie.

L’ACCORD devrait entrer en vigueur à la fin de la semaine. Il a été précédé par une intensification des combats qui ont fait de nombreuses victimes. M. Poutine, s’il le veut, est en mesure de brider les séparatistes, qui ne respectent aucune règle : sans le soutien des troupes et des armes russes, les rebelles ukrainiens auraient été vaincus par l’armée loyaliste. François Hollande et Angela Merkel, qui ont déployé tous les moyens de leur diplomatie pour aboutir, et l’ont fait avec un scepticisme croissant qui faisait douter du résultat, se sont certes montré infatigables, mais dans un contexte forcément pernicieux : Poutine savait, parce que les Français et les Allemands le claironnaient publiquement, que l’Union européenne ne ferait pas la guerre pour l’Ukraine. Mieux : le président français a rappelé avec force qu’il ne voulait pas d’une adhésion de l’Ukraine à l’UE et a fortiori à l’OTAN. Tout a été fait pour apaiser M. Poutine, notamment en lui donnant la certitude que les Occidentaux ne pénétreraient pas sans son pré-carré. Il est d’ailleurs significatif que, tandis que François Hollande soulignait l’intérêt de l’accord, Angela Merkel estimait que ce n’en est pas un et que, pour être valables, les avancées de Minsk devaient être complétées.

Avantage Poutine.

Qu’est-ce que Hollande et Merkel ont obtenu en échange ? La fin d’une guerre qui a déjà ravagé l’est de l’Ukraine. Mais la Crimée restera dans le giron russe, c’est une cause perdue. Les artifices trouvés pour faire du Donbass, la région ukrainienne contestée par les deux camps, une zone prétendument ukrainienne mais avec un statut particulier inspiré du fédéralisme, n’empêcheront pas Moscou d’y avoir une influence déterminante sur tous les plans. Comme en Géorgie, M. Poutine s’est arrangé pour que les pro-Russes disposent d’un régime différent de celui du reste du pays. Et la menace militaire contre Kiev peut ressurgir à tout instant. Vladimir Poutine a réussi, en quelques années, à donner un coup d’arrêt à l’occidentalisation des pays qui constituaient autrefois le bloc soviétique. Il y met tous les moyens dont il dispose, une médiatisation qui relève de la propagande pure et simple, avec une argumentation fondée sur le mensonge permanent ; agressivité militaire alarmante, troupes au sol dans le Donbass, mais provocations aériennes multiples aux confins de la zone atlantique ; intransigeance absolue dans la négociation, un peu comme s’il était invulnérable aux sanctions économiques, alors que la Russie souffre, de toute évidence, de la chute du rouble et des marchés russes et que le prix de l’énergie a considérablement diminué.

Des craintes pour l’avenir.

La permanence de Poutine, installé au Kremlin jusqu’en 2024 grâce à un jeu de chaises musicales avec son acolyte, le Premier ministre Dmitri Medvedev, est la garantie, pour les dix ans à venir, du nationalisme russe, de l’intolérance de Moscou pour tout ce qui ressemble à l’Europe ou à l’Amérique, du grignotage incessant des frontières partout où il reste des Russes ou des russophones, par exemple dans les pays baltes. L’accord d’aujourd’hui donne un répit aux Ukrainiens qui veulent rester libres. Ils sont soulagés momentanément par le prêt de quelque 17 milliards de dollars que va leur faire le Fonds monétaire international. Mais ils savent aussi, et depuis Maidan en 2013, que l’Occident ne volera pas à leur secours avec ses moyens militaires. La seule menace brandie sans conviction par les Européens et les Américains, c’était de livrer des armes à Kiev. Elle n’aurait pas été suivie d’effet, même si M. Poutine avait rejeté l’accord. Demain, quand ses troupes franchiront la frontière polonaise, lettone ou lituanienne, qui protègera ces pays, même s’ils appartiennent à l’OTAN ?

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Ukraine : drôle de paix

  1. Herodote dit :

    En effet l’accord de Minsk peut évoquer Munich aux pays frontaliers et Madame Merkel, native de l’ex RDA, connaît « le prix du sang et des larmes » payé par les voisins de la Russie. Un espoir, du mois contre l’effet de contagion : à Minsk, la situation créée par Poutine est trop favorable à Moscou. Le couple franco allemand a fait le maximum mais Il manquait un poids lourd.
    L’Amérique n’a pas encore parlé.

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