Gouverner sans le PS

Cambadélis : rendez-vous en juin (Photo AFP)

Cambadélis : rendez-vous en juin
(Photo AFP)

On peut dire sans grand risque de se tromper que Manuel Valls a fait acte d’autorité en décidant de recourir  à l’article 49/3 de la Constitution, qu’il s’est exposé à un danger relatif et que la motion de censure déposée par l’opposition ne le met pas dans l’embarras puisque les frondeurs du PS, qui refusaient de voter la loi Macron, qu’ils jugent trop libérale, ont déclaré très vite qu’ils n’apporteraient pas leurs voix à la droite. Le suspense amorcé hier a déjà disparu. C’est donc dans la sérénité que le gouvernement attendra le vote de l’Assemblée jeudi soir sans craindre sa propre chute. En revanche, le PS, lui, est en plein mélodrame. Toute la question porte sur ce qui va se passer dans les semaines et mois qui viennent.

LE PREMIER ministre sait qu’il lui serait difficile de continuer à gouverner en négligeant, ou même en méprisant les élus socialistes, car on en est là, si l’on en juge par la colère à peine rentrée de M. Valls. Il n’aura pas manqué d’observer que l’attitude des frondeurs est proche de l’irrédentisme et que l’UMP espère, d’une façon un peu naïve, provoquer une crise gouvernementale, sinon de régime. La situation semble donc plutôt grave et l’opposition ne cesse de le souligner, comme pour dire qu’elle a affaire à un gouvernement illégitime. M. Valls répond qu’il vient de se livrer à une opération à laquelle nombre de ses prédécesseurs ont recouru avant lui et qu’elle représente seulement une action de clarification politique, au-delà des postures conjoncturelles : si les frondeurs rentrent dans le rang à cause de la motion de censure, cela signifie qu’ils sont toujours dans la majorité.

Forcés de jouer la partition.

Les frondeurs sont fort mécontents, mais ils soulignent en même temps que, 49/3 ou pas, ils n’auront pas voté la loi Macron, comme si leur dignité leur interdisait d’adopter un texte « scélérat ». En d’autres termes, ils sont forcés de jouer la partition que leur impose le gouvernement, mais ils restent vierges de toute compromission. Cela devrait vouloir dire que M. Valls les retrouvera un peu plus tard, à l’occasion d’une autre reforme d’inspiration libérale. C’est théoriquement vrai, mais, avant la prochaine session parlementaire, aura eu lieu le congrès du parti socialiste, prévu pour le mois de juin. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui espérait à cette occasion, refaire une des synthèses chères à François Hollande, se retrouvera sans doute face à l’une des broncas dont le PS a le secret. Un courant conduit par Martine Aubry, Benoît Hamon et d’autres fera tout ce qui est possible pour infléchir la ligne du gouvernement. Certes, le sort de celui-ci se joue à l’Assemblée, pas au PS. Mais, à part le PS, qui d’autre soutient le gouvernement ?

S’adresser aux électeurs.

Comme il ne peut compter vraiment ni sur la gauche ni sur la droite, Manuel Valls tentera de s’adresser non aux élus, mais à leurs électeurs. Il les prendra à témoin, sachant qu’ils sont conscients que les réformes sont indispensables et que l’on ne peut plus gérer le pays à partir de notions idéologiques que la crise a fracassées. Le Premier ministre observe que les députés frondeurs n’ont pas eu le courage ou l’audace d’aller se sacrifier sur l’autel de leurs si profondes convictions. Ils affirment ne pas vouloir voter avec l’UMP, mais il n’est pas cruel de leur rappeler qu’ils ne veulent pas non plus perdre leur mandat à la suite d’une dissolution de l’Assemblée. La confrontation entre M. Valls et les frondeurs est devenue si brutale que le Premier ministre, dont la seule mais immense mission est de réformer, va exercer sur eux un chantage. S’il ne peut pas les convaincre, il les amènera à résipiscence. Lourde tâche.

RICHARD LISCIA

 

 

 

 

 

 

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Une réponse à Gouverner sans le PS

  1. Oj dit :

    On assiste effectivement a une gesticulation de droite comme de gauche totalement stérile aux yeux des citoyens. On aboie haut et fort, puis rien derrière. Ce qui ridiculise les partis dits « de gouvernement ». De plus, comme nombre de politiques ne savent pas faire autre chose que de la politique, en ces temps incertains, il vaut mieux préserver son job. On y gagne malgré tout quelques avancées bien qu’elles soient de portée limitées. Mais au moins on avance.
    On peut cependant être très inquiet sur la capacité de ce beau monde à nous tenir un discours cohérent qui permettra à notre pays de sortir de l’ornière sans que les élections soit une tuerie qui nous fasse revenir en arrière de deux pas après avoir avancé d’un seul. Le couple Hollande et Sarkozy est tellement meurtrier que l’on ne voit pas comment ils pourraient se mettre d’accord pour donner un signal fort de cohésion nationale sur la question des retraites par exemple, qui reste fondamentale. L’économie étant basée sur la confiance, c’est de cela dont nous avons besoin et de rien d’autre. La question est aujourd’hui : qui peut siffler la fin de la recrée ?

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