L’ENQUÊTE montre aussi que les partis les plus bruyants, le Front de gauche (6 %) et EELV (7 %) ne représentent pas une force capable de peser sur les choix du pays. Mais le point central du sondage Ifop, c’est l’abstention, qui atteindrait 57 %. On ne se réjouira ni à droite ni à gauche de ces informations. Par rapport aux consultations passées, le PS perd cinq points, l’UMP quatre. Une bonne partie des électeurs refusera de se rendre aux urnes ou ira voter pour le Front. La droite classique, qui présentera des candidats partout dans le pays, pourrait néanmoins faire basculer un certain nombre de sièges. Le triomphe du FN s’accompagnera d’une déroute du PS.
Sarkozy refuse l’alliance avec le FN.
Les socialistes souffrent certes de leur présence au pouvoir ; en dépit de l’embellie de janvier, la popularité du gouvernement demeure trop faible pour convaincre l’électorat. À quoi s’ajoute le refus du Front de gauche de s’unir au PS et le jeu parfois déconcertant des écologistes qui ne semblent pas très bien savoir s’ils veulent ou non soutenir le gouvernement. Cette désunion de la gauche lui coûtera cher dans toutes les échéances électorales à venir, y compris les régionales de la fin de l’année. Quant à l’UMP, si elle souhaite remonter la pente avant une catastrophe politique, elle doit peut-être accélérer le processus de désignation de son candidat, mettre au point un programme de gouvernement et éclaircir ses rapports avec les deux centres, l’UDI et le MoDem. Fort heureusement, Nicolas Sarkozy semble avoir compris qu’une liaison, même provisoire, avec le Front national, serait suicidaire. Le danger est-il écarté pour autant ? Les combinaisons locales risquent de remettre en question le sage discours de M. Sarkozy, qui n’engage pas les barons locaux, même s’ils sont d’ores et déjà menacés d’exclusion au cas ou s’allieraient avec des candidats du FN.
Un gouvernement mixte ?
Le FN va aligner un nombre de candidats impressionnant, mais il est peu probable qu’il soit en mesure de conquérir plusieurs départements. Il n’est même pas certain qu’il en obtienne un seul. Il se sert plutôt des élections intermédiaires pour montrer sa force croissante, c’est-à-dire, des pourcentages de l’électorat global de plus en plus élevés. De sorte que, lors de la présidentielle, il espère parvenir à éliminer le candidat de la droite ou celui de la gauche au premier tour. On peut donc s’attendre, pour 2017, à une réédition du 21 avril 2002, jour fatidique où Lionel Jospin avait été battu par Jean-Marie Le Pen. Entre-temps, l’implantation du Front dans les régions va se renforcer. L’idée d’une alliance entre la droite et la gauche pour conjurer le destin n’a pas fait beaucoup de progrès ces derniers temps. Elle n’a aucun sens si le prochain président forme un gouvernement dit d’ouverture. Elle n’en aurait que grâce à une jonction des programmes. Pour le moment, elle semble farfelue, mais la gravité de la crise politique qui couve sera encore plus effrayante que celle de la crise économique, et exigera peut-être des remèdes inédits.
RICHARD LISCIA