Le chemin de Damas

Assad revalorisé ? (Photo AFP)

Assad revalorisé ?
(Photo AFP)

Quatre parlementaires français se sont rendus à Damas où trois d’entre eux ont rencontré Bachar Al-Assad. Par la voix de Manuel Valls, puis de François Hollande, le gouvernement a vivement condamné cette initiative à laquelle il n’était pas associé. En revanche, leur démarche a été approuvée par François Fillon. Députés et sénateurs sont certes libres d’aller où bon leur semble, mais, dans cette affaire, on a bien l’impression que la diplomatie française a été court-circuitée.

LE PROBLÈME n’est pas que le député socialiste, Gérard Bapt (qui, lui, n’a pas voulu voir Assad), ses collègues de l’UMP, Jacques Myard (député) et Jean-Pierre Vial (sénateur), ainsi que François Zocchetto ( sénateur centriste) aient voulu tâter le terrain syrien. Il est dans la forme de validation à sa politique sanglante que la visite accorde gratuitement au dictateur syrien. Depuis quelques mois, et face à l’expansion de l’État islamique (EI), nombre de commentateurs estiment qu’entre deux maux il faut choisir le moins grave et que le président syrien représente une alternative au djihadisme. La position de la France n’est pourtant pas ambiguë : ni l’un, ni l’autre. François Hollande n’a cessé de rappeler qu’il aurait fallu, en août 2013, bombarder les positions de l’armée syrienne, pour apporter un soutien aux insurgés syriens, obligés de se battre à la fois contre les troupes loyalistes et l’EI. Le refus des États-Unis d’entrer dans le conflit après la décision d’Assad de détruire ses armes chimiques a torpillé la position française.

Au-delà du langage.

Il est vrai qu’elle n’ouvre pas aujourd’hui des perspectives encourageantes. Le fait est que l’EI a affaibli les insurgés et, d’une certaine manière, renforcé le régime. La coalition qui bombarde les positions de l’EI en Irak hésite à intervenir en Syrie. Les orientations diplomatiques ne sauraient être décidées en fonction des émotions humanitaires, semblent nous dire les quatre parlementaires français, mais d’autres ont le droit de dire le contraire : le mal fait par Assad est au-delà de tout ce que le langage propose pour décrire l’horreur absolue. Il a peut-être renoncé aux armes chimiques, mais il continue à bombarder des populations civiles avec une très grande « efficacité ». L’idée qu’il puisse représenter une facteur de stabilité au Proche-Orient est pour le moins bizarre. Sa présence représente un facteur de désordre infini, parce qu’il est combattu par les insurgés, par l’EI et par d’autres factions islamistes qui se partagent le territoire syrien. Sa victoire sur ce qui reste de la révolution syrienne ne signifie pas pour autant qu’il résistera à l’EI. La guerre ne sera pas finie si l’insurrection est vaincue.

Une longévité extraordinaire.

En revanche, la visite des parlementaires semble lui accorder un blanc-seing inespéré. Elle l’arrache au statut de paria du monde. Elle lui accorde un rôle dans l’évolution du Proche-Orient. On dirait que ce voyage est prématuré si on ne pensait plutôt qu’il nous prépare une situation désespérante où l’un des potentats les plus cruels de l’histoire, serait, au terme des massacres qu’il a ordonnés, consacré par une diplomatie française, européenne et occidentale décidément à court d’imagination. Il nous semble plus raisonnable et plus moral (pourquoi pas ?) de maintenir Bachar El-Assad en quarantaine. Personne ne nie son extraordinaire longévité politique. Personne ne doit croire cependant qu’il ne finira pas par disparaître à la faveur de l’immense chaos qu’il a déclenché dans son propre pays.

Il existe en France un courant réaliste qui estime que les relations diplomatiques ne doivent pas dépendre de la qualité des régimes étrangers mais des intérêts bien compris de la France. Les quatre parlementaires qui se sont rendus à Damas pensent probablement que Bachar Al-Assad a prouvé sa résilience, qu’il ne partira pas et que, dans ces conditions, il vaut mieux dialoguer avec lui. Le soutien que leur a apporté François Fillon relève de la même attitude, laquelle explique les réticences de beaucoup de spécialistes français des relations internationales face à la politique ukrainienne de l’Europe. M. Fillon qui, en visite à Moscou, donnait du « mon cher Vladimir » à Poutine, fait partie de courant. Il est vrai que, n’étant pas prêts à nous battre contre la Russie, nous nous contentons de soutenir le gouvernement ukrainien par la parole, ce qui ne change pas beaucoup le cours des choses. Il y a néanmoins une politique des sanctions économiques qui doit être maintenue si nous ne voulons pas trahir les Ukrainiens.

RICHARD LISCIA

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