Du voile à la jupe (longue)

Le lycée Léo-Lagrange, à Charleville-Mézières (Photo AFP)

Le lycée Léo-Lagrange, à Charleville-Mézières
(Photo AFP)

La bataille entre la laïcité et ceux qui ne veulent pas se soumettre à ses règles a pris une nouveau tour à Charleville-Mézières où une lycéenne, Sarah, a décidé de se rendre aux cours vêtue d’une jupe longue qui lui arrive jusqu’aux chevilles. Avertie à deux reprises, elle s’est vu interdire l’accès du lycée Léo-Lagrande tant qu’elle serait vêtue de cet accoutrement.

CE CAS ne serait pas unique. Il y en aurait eu plusieurs sur l’ensemble du territoire qui auraient été réglés par le dialogue. C’est parce que Sarah a dû sécher les cours que l’affaire du lycée Léo-Lagrande a fini par prendre de l’ampleur. Le premier réflexe, à propos de ce nouvel épisode de la bataille au sujet de la laïcité à la française, c’est de penser que, décidément, les enseignants vont trop loin et qu’il est impossible de dire aux élèves comment ils doivent s’habiller de la tête aux pieds. Une jupe longue n’est en somme qu’un vêtement qui exprime de la décence ou de la pudeur et qui ne représente en aucun cas un symbole de choix de la religion musulmane. On ne peut pas affirmer en conscience que la jupe longue est un signe religieux ostentatoire, alors qu’elle est portée, en diverses circonstances, par des millions de femmes, surtout quand elles se lassent de la mini-jupe. Si nous appliquons les règles de la laïcité sans la moindre tolérance, il faudra passer à l’uniforme.

Une récidiviste.

S’agissant de Sarah, on peut craindre néanmoins qu’elle n’a pas choisi de porter une jupe longue par hasard. Elle avait tenté, pour autant que ces informations soient fiables, d’entrer au lycée avec un voile. Comme toutes les lycéennes qui relèvent de l’enseignement public, elle a été contrainte chaque fois de retirer ce voile avant de pénétrer dans l’établissement. Les enseignants ont donc logiquement pensé que la jupe longue servait de substitut au voile.

Leur attitude a été soutenue par nombre de personnalités politiques, dont Alain Juppé, mais elle a été décriée par d’autres, notamment des sociologues. Tous insistent sur la nécessité d’établir la motivation de la jeune fille vêtue d’une jupe longue : si ce vêtement fait partie de l’attirail de sa coquetterie, pourquoi pas ? Si la jupe contient un message, et même un défi, c’est relativement inquiétant. Mais, de la même manière, il ne faut pas en arriver au point où l’on estimerait que les jeunes musulmanes n’ont pas le droit de porter une jupe longue, laquelle serait réservée aux personnes de religion non-musulmane.

Non au test permanent.

On voit bien à quoi nous expose une interprétation trop stricte de la laïcité (loi de 2004). N’importe quel accoutrement, n’importe quel bout d’étoffe, n’importe quel genre de chaussure ou de gilet risque d’être considéré comme un signe religieux ostentatoire. Inversement, la laîcité n’a pas été établie dans les lieux de la République pour être testée à chaque instant par des familles qui rêvent de la ridiculiser avant de forcer l’État à y renoncer. Il me semble que les enseignants de Charleville-Mézières ont perçu une provocation devant laquelle il est préférable que nous restions collectivement inflexibles, même si l’application de nos principes républicains nous conduit à des comportements kafkaïens. Le message à faire passer à ceux qui jouent avec les nerfs des professeurs, c’est qu’ils ne remplaceront pas la laïcité par le laxisme, la règle par l’indulgence et le vivre ensemble par l’emprise d’une religion sur la société.

RICHARD LISCIA

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