Rachida dans la tourmente

Souriante quand même (Photo S. Toubon)

Souriante quand même
(Photo S. Toubon)

La Cour des comptes a rendu, le 22 janvier dernier, une décision qui estime que, entre 2007 et 2010, le ministère de la Justice a fait des dépenses indues de l’ordre de 9 000 euros et 180 000 euros de dépenses de communication. La période est celle pendant laquelle Rachida Dati a été ministre.

Il A DONC fallu près de quatre mois pour que l’hebdomadaire « Le Point » relève cette décision et la publie. Ce qui a mis hors d’elle l’ancienne Garde des sceaux. Elle fait valoir en effet qu’à aucun moment le jugement de la Cour ne mentionne son nom. Il accuse le comptable en chef du ministère qui n’a pas remis les justificatifs pour un certain nombre de dépenses et aurait, en conséquence, commis un « manquement » représentant un préjudice financier pour l’État. En tout cas, la Cour constate que, privée de justificatifs, elle ne peut pas dire si ces dépenses sont justifiées ou non.

C’est la faute du comptable.

Mme Dati s’estime innocente. Ce n’est pas la décision de la Cour qui la chagrine, mais sa révélation et la façon dont elle a été révélée. « Le Monde » affirme même qu’elle ne sera pas « inquiétée » par la justice. Plus grave, Rachida Dati accuse la droite d’avoir monté une cabale contre elle. Elle s’exprime en des termes qui ne laissent aucun doute sur sa détermination à se défendre bec et ongles. « Je ne laisserai pas faire, a-t-elle déclaré. S’ils veulent me qualifier, comme certains dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, de voleuse de poules, d’arabe, de beurette, certains me traitant de « zoubida », maintenant stop! ». On se souvient peut-être que Mme Dati avait fait en 2007, une entrée triomphale au ministère de la Justice et que, déjà l’époque, on avait l’impression qu’elle faisait quelques dépenses somptuaires. Cependant, sa défense, telle que la présente son avocat, repose sur le fait que la Cour ne s’en prend nullement à elle, mais au comptable du ministère.

Style glamour.

La gravité de l’affaire s’explique moins par les dépenses que par les attaques de Mme Dati contre « l’entourage de Nicolas Sarkozy ». L’ancien président fait-il partie de la cabale à ses yeux ? Et pourquoi l’UMP voudrait-elle détruire moralement l’ancienne Garde des sceaux, alors que son président peut se contenter de l’écarter des instances du parti ? L’affaire n’est nullement de nature à changer le monde, mais elle semble bien mystérieuse. Il est curieux, notamment, que la décision de la Cour des comptes n’ait pas été livrée par la presse à l’opinion pendant près de quatre mois. Il est curieux aussi que Rachida Dati, maire du VIè arrondissement de Paris, ait choisi, comme moyen de défense de porter le fer contre son propre parti. De toute évidence, les révélations sur les comptes de l’ancienne ministre s’inscrivent dans le cadre des différends nombreux qu’elle a avec quelques ténors de l’UMP, François Fillon naguère, parce qu’il est venu la concurrence sur le plan électoral à Paris, et d’autres, qui ne semblent pas avoir beaucoup d’affinités avec le style glamour qu’elle cultive.

En tapant du poing sur la table, elle nuit à son propre avenir politique. Jamais la gauche ne la recevra en son sein. Et elle vient de se couper de la droite. L’affaire éclate au moment où la réforme de la justice lancée tambour battant par Rachida Dati semble porter ses fruits. Magistrats et avocats s’étaient insurgés à la fois contre ses manières très autoritaires (mais serait-elle allée au bout de la réforme si elle ne l’avait pas imposée ?) et ses suppressions de tribunaux. Aujourd’hui le monde judiciaire reconnaît que les économies réalisées n’ont pas trop éloigné le justiciable de la justice et que la qualité du travail des magistrats est restée intacte.

RICHARD LISCIA

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