Grèce, une leçon pour la France

Tsipras, homme d'État (Photop AFP)

Tsipras, homme d’État
(Photop AFP)

La démission d’Alexis Tsipras est beaucoup moins un aveu de faiblesse qu’une tentative de reconstituer une majorité. Le Premier ministre grec, constatant que son « mandat avait atteint ses limites », a annoncé des élections anticipées autour du 20 septembre, sept mois après la consultation qui l’a porté au pouvoir. Lâché par la gauche de sa propre coalition, M. Tsipras entend poursuivre sa politique de coopération avec l’Europe.

DE CE POINT DE VUE, il procède certes à une clarification politique, en espérant faire la preuve qu’il existe une majorité dans son pays en faveur de l’austérité, mais il montre aussi à tous ceux qui, en Europe ou ailleurs, croient qu’il existe pour la Grèce une autre voie, que celle-ci est impraticable et même suicidaire. La Grèce n’a obtenu de l’Europe en général et de l’Allemagne en particulier un troisième plan d’aide de quelque 90 milliards que parce qu’elle a accepté de procéder à des réformes qui n’ont que trop tardé. Elle ne peut faire face à sa montagne de dettes que si elle établit une fiscalité sérieuse à laquelle doivent se soumettre tous les Grecs, riches compris.

La politique du possible.

Sans faire de M. Tsipras, 41 ans, un modèle d’habileté politique, on peut reconnaître qu’il est en train de gagner ses galons d’homme d’État. Qu’est-ce qu’un homme d’État, en effet, sinon celui qui, renonçant enfin à toute démagogie, se résigne à ne faire que la politique du possible ? M. Tsipras consacre ainsi sa rupture avec une partie des hommes et femmes qui l’ont porté au pouvoir, mais il aura envoyé à l’extrême gauche européenne, qui voyait en lui la mise en oeuvre, dans le laboratoire grec, de ses idées, un message clair : la faillite d’un pays est un événement trop grave pour être envisagé, il n’existe pas de salut national en dehors du respect des engagements, et pas de remise à flot d’un État si les règles de bienséance financière ne sont pas appliquées. M. Tsipras pouvait être tenté par l’aventure de l’Argentine, mais il n’est pas assez aveugle pour voir où son indépendance d’esprit a conduit Cristina Kirchner : à un pauvreté qui s’aggrave encore.

L’Europe est une chance.

En outre, le Premier ministre grec a compris que la Grèce, européenne à 100 %, ne devrait pas être comparée à un pays qui n’appartient pas à une organisation internationale solide. La politique de M. Tsipras, qui semblait prendre les chemins buissonniers chers à son ex-ministre de l’Économie, Iannis Varoufakis, a brusquement fait un virage de 180 degrés, ce qui, d’ailleurs, a provoqué la cassure entre les deux hommes. La raison a donc fini par l’emporter et, du coup, l’extrême gauche française, de Pierre Laurent à Jean-Luc Mélenchon, se montre très prudente. Si la Grèce dirigée par Syriza refuse la voie révolutionnaire, la France ne risque pas de faire ce choix. Il serait temps que le gouvernement en prenne conscience, lui qui doit encore réduire la dépense publique mais continue à promettre des baisses d’impôt.
L’accord avec l’Europe, la démission de M. Tsipras et les élections anticipées en Grèce mettent un point final à l’alternative politique que partagent en France l’extrême droite et l’extrême gauche. Marine Le Pen peut continuer à faire campagne contre l’euro et pour une France souveraine, elle sera de moins en moins crédible si elle s’en tient à ce registre. L’extrême gauche est plus à l’aise pour défendre des idées qu’elle n’aura jamais l’occasion d’appliquer parce qu’elle ne risque pas de se retrouver au pouvoir. L’Europe, si décriée par tant de démagogues, reste une forteresse disposant d’assez de ressources pour écarter les pires malheurs. M. Tsipras a vu où se situait l’intérêt de son pays.

RICHARD LISCIA

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