Moscou : déni de justice

Nadia au procès (Photo AFP)

Nadia au procès
(Photo AFP)

Le procès de Nadia Savtchenko vient de s’achever à Moscou. Il contenait tous les ingrédients d’une justice politique, aux ordres du pouvoir et uniquement dédiée à la manipulation des faits. Le procès, public, devrait faire réfléchir tous ceux qui, au nom du pragmatisme, insistent pour que la France entretienne avec la Russie de M. Poutine des relations amicales.

NADIA SAVTCHENKO est une pilote ukrainienne d’hélicoptère. Elle se trouvait au sol dans la région du Donbass, là où les forces ukrainiennes affrontent les dissidents sécessionnistes, appuyés par l’armée russe. Elle a été faite prisonnière et accusée d’avoir donné des renseignements à l’armée ukrainienne pour un bombardement qui s’est traduit par la mort de deux journalistes russes. Elle nie les faits qui lui sont reprochés avec la plus grande vigueur, mais elle ne se prive pas d’afficher ses convictions nationalistes, son hostilité à la Russie, son engagement militaire. Pas plus qu’elle n’a hésité à dénoncer la parodie de justice dont elle fait l’objet. Elle a fait une grève de la faim et de la soif, ce qui n’a pas entamé sa vigueur puisqu’elle a adressé au président du tribunal un bras d’honneur vengeur. Le jugement sera prononcé ultérieurement.

L’héroïne du peuple.

Nadia est devenue l’héroïne du peuple ukrainien. Son sort a ému toute l’Europe et les gouvernements occidentaux ont déjà réclamé à Vladimir Poutine sa libération. Le procès n’a qu’un objectif : faire croire à l’opinion russe, qui se laisse convaincre sans difficulté, que le gouvernement ukrainien est composé de brigands prompts à assassiner des civils, ce qui justifierait l’intervention militaire de la Russie dans le Donbass, le dépeçage de l’Ukraine, déjà amputée de la Crimée et bientôt, pourquoi pas, l’invasion de ce pays par les forces russes qui iraient chercher à Kiev les dirigeants ukrainiens.
Ce qui est impressionnant chez Nadia Savtchenko, c’est sa méthode de défense. Elle a en effet décidé de dire et même de hurler la vérité : que les juges russes sont aux ordres du Kremlin, que son procès ne respecte aucune règle du droit, que Poutine s’efforce de la diffamer. Sa liberté de ton, sa hargne contre la domination russe, son sacrifice personnel au service de libertés que la Russie ignore expriment un caractère bien trempé. Ils montrent aussi un progrès depuis la fin du communisme en Russie : la justice totalitaire n’essaie plus d’obtenir des aveux par la torture et sans doute croit-elle que les moyens de défense de Mme Savtchenko la desserviront. De fait, une manipulation du Kremlin parmi tant d’autres se transforme en scandale international. De sorte que M. Poutine a maintenant le choix entre deux solutions très inconfortables pour lui : laisser les juges prononcer une lourde peine, ce qui n’incitera guère les Occidentaux à lever les sanctions économiques contre la Russie, ou renvoyer en Ukraine une Savtchenko libre, ce qui serait très difficile après l’immense tintamarre produit par cette affaire.

Qui est le plus faible ?

Vladimir Poutine est capable d’un geste de clémence parce qu’il aime qu’on l’en remercie. Mais une intervention du pouvoir russe en faveur de l’Ukrainienne accentuerait l’impression générale qu’à Moscou, il n’y a de justice que conforme aux voeux du Kremlin. En outre, si Poutine n’a rien personnellement contre Nadia Savtchenko, son aversion pour les Ukrainiens, qui lui ont valu bien des désagréments, ne l’incite guère à se montrer généreux. Ce qui est sûr, c’est que les Ukrainiens, les dissidents russes et tous ceux qui redoutent la domination de Moscou, ne seront pas à la noce tant qu’il y aura, en France et dans beaucoup d’autres pays, des voix qui s’élèvent pour « normaliser » les relations avec la Russie, comme si nous étions les premiers agresseurs. Selon ces brillants analystes, le militantisme en faveur des droits de l’homme représente une faiblesse diplomatique occidentale. Mais on en perçoit une autre : le consentement déshonorant aux exactions commises par Moscou.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Moscou : déni de justice

  1. MaxMaf dit :

    « …le consentement déshonorant aux exactions commises par Moscou. »… comme au consentement déshonorant aux exactions commises par Washington en Ukraine !

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