Le retour du 49/3

Valls réaliste (Photo AFP)

Valls réaliste
(Photo AFP)

Le gouvernement a beau refaire ses comptes, il ne trouve pas la majorité qui fera adopter la loi Travail par l’Assemblée nationale. Il lui manque entre 40 et 70 suffrages. Myriam El Khomri jure qu’il n’est pas question d’utiliser l’article 49/3 de la Constitution pour imposer le projet sans vote. Manuel Valls, lui, n’est pas aussi clair.

LE PROBLÈME vient principalement de « l’inversion de la hiérarchie des normes », expression barbare qui indique que le texte prévoit de privilégier les accords d’entreprise par rapport aux accords de branche. Les syndicats sont opposés à ce principe, tandis que le patronat, fâché de ce que le projet inclue la surtaxation des contrats courts, continue à bouder. Bref, le gouvernement n’a pas vraiment d’alliés, ni au Medef, ni dans les organisations syndicales, ni dans une bonne partie du PS ni dans l’opposition. Il se bat pour un texte qu’il a suffisamment édulcoré pour faire l’unanimité contre lui, la gauche se dressant contre les articles qu’elle considère comme des atteintes aux acquis sociaux et la droite ne discernant pas les avancées qui permettraient de faire baisser le chômage.

Un réforme au milieu du gué.

La réforme du travail ressemble toutes celles qu’a engagées le gouvernement socialiste. Elles ne vont pas coeur du problème parce qu’elles tentent de contenter tout le monde. Comme pour la loi Macron où l’on a commencé par prévoir des dispositions susceptibles de libérer le travail de contraintes coûteuses et pesantes pour aboutir à la création de quelques lignes d’autocars, la loi El Khomri, vidée de sa substance, continue néanmoins à provoquer une telle levée de boucliers qu’elle risque d’empoisonner la vie publique pendant encore plusieurs semaines. Le gouvernement craint par-dessus tout que le problème ne sont pas réglé avant le début de de l’Euro de football. Or 5 000 amendements ont été déposés qui risquent de prolonger les débats au-delà du début des matches, qui aura lieu dans moins d’un mois. La présence de ces si nombreux amendements et la progression de l’opposition au projet au sein du PS suffisent à démontrer que l’impopularité de l’exécutif se propage au sein de la gauche et que les artisans du consensus, Jean-Christophe Cambadélis, Premier secrétaire du parti, Bruno Le Roux, chef de la majorité socialiste à l’Assemblée et Jean-Marie Le Guen, ministre des Relations avec le Parlement ne peuvent pas faire des miracles en dépit de leur dévouement à François Hollande et de leur habilité tactique.

Préparer l’opinion.

Manuel Valls n’a pu exclure, la semaine dernière, le recours au 49/3. Il fait bien de préparer l’opinion à cette éventualité, combattue avec force par la gauche de la gauche qui, comme d’habitude, y voit un déni de démocratie. Pierre Laurent, chef du PCF, a même commis l’erreur de se référer à l’usage du 49/3 par Nicolas Sarkozy, comme pour démontrer la monstruosité du recours à cet article par l’un des ennemis de la gauche, alors que M. Sarkozy ne l’a jamais utilisé. Il est vrai qu’on ne prête qu’aux riches, mais le débat serait plus sain s’il était plus honnête. Le président et le Premier ministre pourraient gouverner dans un climat moins tendu s’ils n’avaient diabolisé la droite avant de lui emprunter un certain nombre de ses idées.
Deux leçons à tirer de cet imbroglio : le gouvernement actuel ne réformera pas le travail de façon substantielle et il appartiendra à la prochaine majorité de le faire. Les divisions de la gauche la placent dans une posture si fragile qu’elle perd un peu plus chaque jour la capacité à gagner les élections de l’an prochain. Le débat est un jeu à somme nulle. Les hésitations idéologiques auront eu raison de la gauche française et rendent le gouvernement totalement impuissant. Ce qui ne l’empêchera pas, au terme du débat, de proclamer qu’il aura « réussi » une réforme de plus.

RICHARD LISCIA

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