Une France incorrigible

Sandra Bertin : sûre d'elle (Photo AFP)

Sandra Bertin : sûre d’elle
(Photo AFP)

Loin de nous réunir tous dans la lutte anti-terroriste, l’épouvantable attentat de Nice a entraîné une polémique qui oppose droite et gauche, pouvoir et services de sécurité. Une policière de Nice, chargée de surveiller les videos de la ville, Sandra Bertin, affirme avoir subi des pressions pour rédiger un rapport favorable à la police nationale et au gouvernement. Du coup, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est fâché tout rouge.

M. CAZENEUVE a porté plainte en diffamation contre Mme Bertin, qui ne semble pas impressionnée, même si elle devine qu’engager un bras de fer avec le pouvoir la place dans une position périlleuse. Elle ne cache d’ailleurs pas sa sympathie pour l’opposition, de sorte que, si on peut admirer son courage, on se pose la question de son objectivité. Mais peu importe : la colère de M. Cazeneuve, jusqu’à présent encensé par le président de la République et par le Premier ministre, n’est pas feinte. Si, contrairement à sa discrétion habituelle, il saisit la justice, c’est parce qu’il ne veut pas être englouti par les propos d’une policière.

Les préoccupations secondaires.

L’épisode est fâcheux de diverses manières, parce qu’il accroît le fossé entre la majorité et l’opposition, parce qu’il nous empêche de nous concentrer sur l’essentiel, à savoir la lutte contre la violence terroriste, et parce qu’il retarde une action nationale exigeant la réunion de tous nos moyens matériels et moraux. À observer le regard droit et la fermeté de Mme Bertin, à examiner le sincère ressentiment exprimé par M. Cazeneuve, on en vient à supposer que la policière de Nice a subi des pressions, mais qu’elles venaient d’un supérieur (dont elle n’a pas révélé le nom) qui n’avait pas mandat du ministère de l’Intérieur pour le faire. De sorte que M. Cazeneuve et Mme Bertin seraient en fait réunis par un lien: l’innocence.
Mais bon, tout cela nous éloigne de la lutte anti-terroriste et nous renvoie bien prématurément aux calculs politiques, aux échéances électorales et à l’affaiblissement du président de la République. « Le Figaro » de ce matin se demande si François Hollande peut se présenter à un second mandat, laisse même entendre qu’il aurait renoncé après cette terrible accumulation d’événements économiques, politiques et criminels qui l’accablent. Oserais-je dire que, pour l’heure, ce n’est pas le plus important et que nous sommes encore assez loin des élections générales de 2017 pour nous concentrer aujourd’hui sur les moyens indispensables à la lutte contre la terreur ? Au lieu de quoi, nous assistons à un conflit entre la droite et la gauche. Pour sa meilleure part, ce conflit est seulement destiné aux yeux de certains à récupérer à leur profit la douleur des Niçois et l’inquiétude de tous les Français.

Un bonus pour le FN.

Les attaques que Christian Estrosi, maire-adjoint de Nice, a lancées contre le gouvernement ont pour objectif principal de le dédouaner car il a ses propres responsabilités en matière de sécurité et que, si un attentat de cette dimension a pu avoir lieu, c’est que la télésurveillance, dont il ne cesse de se targuer, n’a servi à rien. Mais s’il se croit investi de la mission de faire tomber le gouvernement, il devrait se rappeler, lui qui été élu président de Paca avec les voix de la gauche, que c’est le Front national qui profitera de la crise et non la droite à laquelle il appartient. Je ne vois pas pourquoi, s’il y a un différent entre la mairie de Nice et le pouvoir, M. Estrosi, plutôt que de crier sa rancoeur sur les toits, n’a pas engagé un dialogue avec M. Cazeneuve pour voir où était la faille, et si peut-être les torts étaient partagés. Quant au gouvernement, il doit cesser de dire que tout ce qu’il fait est parfait. Ce le serait s’il n’y avait plus de victimes. On ne peut pas compter 84 morts et 200 blessés sans que personne n’ait commis d’erreur.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Une France incorrigible

  1. Lilith dit :

    Il semble que les travaux d’experts ( je pense à ceux de la commission parlementaire Fenech-Pietrasanta sur la prévention du terrorisme ) ne sont suivis d’aucun effet.
    C’est certainement regrettable.

  2. chambouleyron dit :

    Oui, Christian Estrosi se sent coupable. Je me pose le problème : le camion a semble-t-il roulé dans Nice des jours fériés où cela est interdit. Il a été vu sur les caméras après coup mais n’a interpelé personne au bon moment. Appliquons nos lois avant de les multiplier au gré des émotions.

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