Alerte, les comptes vont déraper

 Sapin lors de la journée du patrimoine (Photo AFP)

Sapin lors de la journée du patrimoine
(Photo AFP)

S’il y a un domaine où l’action du gouvernement a fini par porter ses fruits, après un long délai, c’est le redressement des comptes publics. Après avoir obtenu deux sursis de la Commission de Bruxelles, la France est en passe de ramener le déficit budgétaire au-dessous des 3 % en 2017.

CE N’EST PAS exactement ce que François Hollande avait promis, mais nous pouvions nous féliciter quand même d’être parvenus à un étiage qui ressemble, peu ou prou, à une progression vers l’équilibre. Il est bon de rappeler que, depuis deux ans, l’Allemagne dégage des excédents budgétaire et commercial. Le lent et patient travail entrepris par Michel Sapin et son secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, a fini par porter ses fruits. Pour tous ceux à qui la valse des milliards donne le tournis et qui voient dans les déficits comme une vague notion sans rapport aucun avec leurs revenus, le sujet ne semble guère passionnant. Il n’en est pas moins d’une importance extrême, car la dette que nous avons accumulée (98 % du produit intérieur brut et quelque 2 200 milliards d’euros) devra, un jour ou l’autre, être remboursée. Ce qui signifie que nous laissons à nos enfants ou nos petits-enfants la charge écrasante de la dette.

Un cadeau empoisonné pour les successeurs.

Mais nos meilleurs engagements ne résistent jamais à la pression de la politique. Il ne vous a pas échappé que 2017 est une année électorale et que le pouvoir, dans sa grande détresse, a décidé de « booster » sa popularité plutôt que d’adopter ou maintenir une rigueur qui risque de l’achever. Il a donc annoncé une baisse d’impôts en tentant de la cibler sur ceux qui sont censés voter à gauche, au moment même où il est contraint d’accroître les dépenses pour la sécurité intérieure et pour la défense. Par pure démagogie, il vient d’annoncer que l’objectif des dépenses de l’assurance-maladie serait augmenté l’an prochain. Il se moque bien des conséquences de ses décisions : les chances sont faibles, pour la majorité actuelle, de gagner les élections et c’est donc la droite qui devra gérer le casse-tête budgétaire.
Le commissaire européen Pierre Moscovici , qui, lorsqu’il était ministre de l’Économie, s’est montré plutôt laxiste, se présente aujourd’hui comme un contrôleur intransigeant des comptes français et lance des appels à la modération des dépenses. On imagine que, face à une nouvelle majorité, il sera encore plus sévère. Il y a des raisons pour ce retour généralisé au laxisme. La plus importante, c’est la baisse incroyable des taux d’intérêt qui permet à l’État français d’emprunter à l’heure actuelle à dix ans à un taux de 0,30 % par an. Une si bonne affaire qu’elle encourage le recours à la dette. L’autre raison, c’est que tous les pays européens, sauf l’Allemagne, réclament un relâchement de la rigueur pour relancer la lutte contre le chômage. Et il est vrai que, si nous avons apuré nos comptes, nous n’avons pratiquement pas créé un emploi depuis quinze ans.

La droite s’y met aussi.

Le problème se complique avec ce que l’on sait des programmes des divers candidats de la droite : ils sont tous axés sur une forte réduction des impôts, mais tous axés aussi sur une absence totale ou partielle de financement. Cela veut dire que, à côté d’une chute des recettes, il n’y a pas toujours une diminution des dépenses. François Fillon, le plus libéral des candidats, prévoit une réduction de 110 milliards des dépenses de l’État en cinq ans. Certes, il envisage des efforts d’économies. Mais, d’une part, ces économies sont incertaines parce qu’on ne voit pas très bien comment il pourrait réduire le nombre des fonctionnaires alors que nous avons besoin de plus de soldats, de policiers, de juges, d’enseignants ; et, d’autre part, il reconnaît qu’il s’oriente vers une augmentation du déficit budgétaire. Bruno Le Maire a publié un document de 1 000 pages, oui, 1 000, mais il ne dit pas comment il équilibrerait les comptes. Il a en va de même pour les autres candidats de la droite, plus enclins à nous décrire un avenir radieux et défiscalisé qu’à nous expliquer que les temps sont durs.
Sans oublier que la baisse des taux, due essentiellement à une politique volontariste de la Banque centrale européenne, ne peut pas durer indéfiniment, d’autant qu’elle n’a pas réussi à relancer les investissements et à créer des emplois (en France et en Italie notamment). Donc, si nous continuons à emprunter, si les banques centrales (aux États-Unis et en Europe) remontent leurs taux, le coût des emprunts augmentera et ce sera la panique. Voilà comment on prend des risques pour gagner une élection.

RICHARD LISCIA

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