Poutine empêtré en Syrie

Des familles d'Alep qui ont quitté les quartiers bombardés (Photo AFP)

Des familles d’Alep qui ont quitté les quartiers bombardés
(Photo AFP)

La situation humanitaire à Alep est tragique. Un bombardement récent a tué 22 enfants et 6 instituteurs dans leur école. Le secrétaire général de l’ONU réclame une enquête internationale. L’Unicef parle de « crime de guerre ». Jean-Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères estime que, si des bombes sont larguées par des avions, les responsables ne peuvent être que syriens ou russes.

LE PREMIER CONSTAT, dans ce nouveau drame de la guerre civile en Syrie, porte sur les explications compliquées du Kremlin. Réflexe initial : ce n’est pas nous, sans précision sur un éventuel coupable. Deuxième phase d’auto-justification : les Américains, eux aussi, ont commis des crimes de guerre, ce qui, en bonne logique, constitue une sorte d’aveu. Comme si la faute commise par un autre suffisait à effacer celle que l’on commet soi-même. Le troisième moyen de défense constitue un retour à la case départ : ce ne sont pas nos avions, ce ne sont pas nos bombes, les rebelles syriens (que les Russes s’efforcent en vain de déloger) s’abritent derrière les civils et, en résistant, ils prolongent les souffrances de leurs concitoyens. Ce qui est contradictoire, car il est clair alors que la Russie fait tout pour les déloger d’Alep.

Une Russie « impérialiste ».

Personne n’osera jamais traîner Vladimir Poutine devant la Cour pénale internationale, d’ailleurs en piteux état actuellement parce que un certain nombre d’États envisagent de ne plus la reconnaître. Mais on a le droit de remarquer que toute la violence des armes russes et toute la cruauté du régime de Damas n’ont pas réussi, à ce jour, à éliminer les rebelles syriens qui résistent dans un quartier d’Alep. Le font-ils en forçant les non-combattants à rester sur place ? C’est bien possible. Mais cela ne donne pas un avantage moral à M. Poutine. Il n’y a pas si longtemps, les États-Unis étaient cloués au pilori pour leurs interventions militaires en Irak et en Afghanistan. Le bilan humain et financier de ces interventions est très négatif. Dans ces conditions, pourquoi la tentative de Poutine de maintenir par la force Bachar Al-Assad au pouvoir devrait-elle être couronnée de succès ? Comment se fait-il que le terme « impérialiste » ne soit pas accolé au nom du président russe ? Pourquoi celui qui a imposé à Grozny, dans des conditions atroces, un pouvoir complice de Moscou, muselé la Géorgie, annexé la Crimée, attaqué l’Ukraine et occupé le Donbass est-il devenu l’interlocuteur privilégié d’une partie des élus de l’opposition française ?

Les sables mouvants de Syrie.

La vérité est que beaucoup de personnalités politiques en France ont pensé (jusqu’à présent) que, si les Américains sont incapables de mener à bien leurs guerres à l’étranger, les Russes y parviennent fort bien, comme en ont témoigné les épisodes tchétchène et criméen. Elles ont oublié l’expérience soviétique en Afghanistan, qui a été désastreuse, et que l’Orient est compliqué. Comme chacun sait, M. Poutine dispose d’une base militaire à Tartous sur la côte syrienne. Il a craint de la perdre si Bachar Al-Assad était évincé du pouvoir. Au lieu de négocier avec les Occidentaux un accord pour qu’il garde sa base, sans trop se préoccuper du remplaçant de Bachar, il a tout fait pour maintenir au pouvoir l’un des dictateurs les plus sanguinaires de l’histoire. L’Irak a été le bourbier d’où les Américains n’ont pu se dégager qu’à un prix douloureux, la Russie patauge aujourd’hui dans les sables mouvants de la Syrie, pendant que la coalition organisée par les États-Unis s’apprête à reconquérir Mossoul en Irak et envisage d’aller faire le siège de Raqqa, dernière place forte de Daech en Syrie. Si Raqqa tombe avec le concours des Américains et des Français, qui croira encore que Poutine domine la scène syrienne ?
Certes, le maître du Kremlin s’est bien gardé d’envoyer des troupes au sol en Syrie, de sorte que sa mésaventure n’a pas d’impact sur l’opinion russe, dont il est obligé de tenir compte, même s’il a verrouillé les médias et les moyens de communication. Mais on ne gagne jamais à appliquer une politique de force au Proche-Orient qui ne soit pas assortie d’une bonne analyse.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Poutine empêtré en Syrie

  1. ojj dit :

    Votre dernière phrase résume tout !

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