Le phénomène Macron

Samedi à Paris (Photo AFP)

Samedi à Paris
(Photo AFP)

Les sondages n’accordant à Emmanuel Macron qu’une faible part du marché électoral, l’idée s’est répandue que son influence ne suffirait pas à perturber le jeu classique de la droite contre la gauche. Peut-être sa capacité à fédérer les Français a-t-elle été sous-estimée.

L’ANCIEN ministre de l’Économie a en effet tenu samedi à Paris un meeting auquel assistaient plus de 12 000 personnes. Il y a prononcé un très long discours (105 minutes) dans lequel il a présenté un programme qui ne manque pas de cohérence et qui, surtout, correspond à l’état de l’opinion. M. Macron, en effet, refuse de s’associer à un parti. Son projet repose sur l’effacement des différences entre droite et gauche. Il n’est pas centriste pour autant. Il s’adresse très exactement à ces 80 % de Français qui ne voulaient ni de Nicolas Sarkozy ni de François Hollande et ont obtenu que la carrière de ces deux hommes s’arrête promptement. Il est donc en phase avec une majeure partie de l’opinion, au moment où les convulsions socialistes produisent une nouvelle candidature, celle de Vincent Peillon, ancien ministre de l’Éducation en tous points respectable, mais qui ajoute encore à la confusion régnant à gauche.

Un danger pour Valls.

Les caciques du PS continuent à demander à Emmanuel Macron de participer à la primaire de « la belle alliance populaire », concept affaibli par les candidatures extérieures au PS, celle, notamment, de Jean-Luc Mélenchon, capable de recueillir quelque 14 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle, ce qui ruinerait la candidature officielle d’un homme issu du PS, qu’il s’agisse de Manuel Valls ou d’Arnaud Montebourg. Toute la gauche parle de l’indispensable rassemblement, elle ne le réalisera pas et M. Macron n’a aucune raison d’obtempérer aux injonctions de Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS, pour l’excellente raison qu’il drague les électeurs de gauche, de droite et du centre. Or il nous a montré samedi d’abord qu’il est capable de mobiliser les foules, ensuite qu’il a un programme profondément réformiste mais moins sévère que celui de François Fillon et enfin qu’il est un excellent orateur, même si, à la fin de son discours, il n’avait pas besoin de s’égosiller comme un gourou sectaire. Il se présente comme un danger sérieux pour Manuel Valls, dont l’irruption dans la primaire n’a pas été exactement bouleversante et qui est très contesté à l’intérieur du PS, comme en témoigne la décision de Vincent Peillon.

Le candidat de la jeunesse.

Emmanuel Macron ne se contente pas pas de prendre une option sur l’électorat de gauche. Par définition, il est fait pour plaire aux centristes, et aussi à la droite modérée. Ce qui fait de lui un très sérieux candidat susceptible non seulement de contribuer à l’élimination du rival socialiste qui émergera de la primaire, mais de donner du fil à retordre au candidat désigné par la primaire de la droite, à savoir François Fillon. Il faut d’autant moins négliger la présence de M. Macron dans ce carrousel électoral que l’année 2016 a révélé des mouvements d’opinion inédits et imprévus, comme le Brexit, la chute de Matteo Renzi en Italie, et surtout l’incroyable élection de Donald Trump aux États-Unis. La différence entre les brusques contorsions apportées aux destins britannique, américain et italien d’une part et le phénomène Macron d’autre part, c’est que l’ancien et jeune ministre fait le bon diagnostic des pathologies françaises mais se garde bien de proposer le remède populiste. Il a compris les attentes de nos concitoyens et il s’adresse à eux en sollicitant leur civisme. Et autre chose : M. Fillon a remporté la primaire de la droite et du centre en recueillant principalement le vote massif des personnes âgées et des possédants. Le nombre de jeunes qui assistent aux meetings de M. Macron est impressionnant. Le candidat « ni droite ni gauche » est jeune, il est aussi celui de la jeunesse. Quoi qu’il en soit, il vaut mieux surveiller le lait qui bout dans la casserole de Macron. Il pourrait déborder.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Le phénomène Macron

  1. phban dit :

    Excellente analyse, une fois encore. Macron est un homme intéressant, avec ses contradictions assumées et son envie d’une autre forme de politique.

  2. DUDUCHE dit :

    L’objectif de M. Macron est en fait de se faire bien connaître. Il fera un nombre conséquent de voix mais il sait qu’il ne sera pas au deuxième tour. Il laissera alors ses partisans libre de leur vote.
    Il lui restera alors cinq années d’opposition modérée, mais constructive, pour former un puissant nouveau parti bien structuré. En cas d’échec, même partiel, de François Fillon, il sera en 2022 l’homme du recours, et donc le futur président de la République.

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