La bataille du « modèle social »

Un programme réaliste (Photo AFP)

Un programme réaliste
(Photo AFP)

Les plus récents sondages indiquent une baisse de quelque huit points de la cote de François Fillon. Elle peut être due à divers facteurs, notamment une absence relative, depuis un mois, du candidat de la droite et du centre, mais aussi aux attaques dont son programme fait l’objet, notamment dans le domaine de l’assurance-maladie et des retraites.

CES ATTAQUES viennent de tous les horizons, un peu comme si le candidat le mieux placé dans la course à la présidentielle était devenu l’homme à abattre à la fois pour la gauche, l’extrême gauche et l’extrême droite. Or la vertu cardinale de tout candidat républicain doit résider dans sa capacité à devancer, puis à battre, Marine Le Pen au deuxième tour. Ce que M. Fillon, depuis son triomphe à la primaire de la droite, semblait en mesure d’accomplir, mais qui ne sera plus vrai si sa popularité continue à baisser. Bien entendu, une gauche aux abois qui lutte pour être présente au second tour de la présidentielle en dépits des vents contraires annonçant sa défaite dès le premier tour, et un Front national accablé par l’idée que le pouvoir, une fois de plus, risque de lui échapper, ne s’embarrassent d’aucun scrupule lorsqu’il s’agit de réduire, sinon de détruire, celui qui mène la course en tête.

Pour 600 milliards, t’as plus rien.

Bien qu’il reste le candidat pourvu des meilleurs atouts, M. Fillon souffre du doute que son programme inspire à l’opinion. Il a prévu une série de dispositions qui menacent le confort d’un peuple habitué, pour ne pas dire drogué, à d’avantageuses prestations sociales, en matière de santé, de retraites et d’emplois publics. En bonne logique, sinon en logique électorale, il expose la sincérité de son programme : le « modèle social » français n’est certainement pas le meilleur du monde si, au prix de plus de 600 milliards, il engendre autant de chômage et de pauvreté. Le préserver à n’importe quel prix, c’est creuser sans cesse les inégalités, désespérer les sans-emploi, bloquer la croissance, augmenter les déficits à l’infini. Cela fait des années que, pour ma part, je soutiens la notion de deux France, l’une qui a tout parce qu’elle travaille, l’autre qui n’a presque plus rien parce qu’elle est au chômage.
Que M. Fillon ait raison ne fait pas de lui l’objet d’un consensus national. Les Français, c’est bien connu, approuvent toutes les bonnes réformes pour autant qu’ils ne doivent pas en souffrir individuellement. Ils attribuent la stagnation du pays à la mauvaise gestion des gouvernements et, au fond, ils sont séduits par les projets qui les entraînent allègrement vers les rivages empoisonnés d’un développement infini de la protection sociale. Par exemple, cette notion de revenu universel que Manuel Valls lui-même a reprise à son compte mais dans un cadre raisonnable, celui de la fusion des prestations sociales en une allocation unique. Tandis que Benoît Hamon, pour sa part, n’hésite pas à envisager un revenu pour tous qui coûterait quelque 600 milliards à la collectivité, une somme dont nous n’avons pas le premier euro. Il y a longtemps que, nourris aux bienfaits des assurances publiques, nous avons perdu de vue quelque simples réalités, comme l’impératif catégorique qui consiste à ne pas dépenser ce que nous n’avons pas gagné. On ne peut pas se contenter de critiquer M. Fillon pour sa « brutalité » quand il s’attaque à l’obésité de l’Etat, comme cet ancien ministre de l’Education qui voulait « dégraisser le mammouth » mais n’y est jamais parvenu.

L’impréparation des candidats.

Le plus surprenant dans cette affaire, c’est l’impréparation de tous les candidats. Même François Fillon, celui qui présente le programme le plus élaboré, a déjà commencé à le modifier pour tenir compte des critiques. Mais il ne nous dit pas comment, une fois élu, il économiserait cent milliards en cinq ans, comment il réduirait d’un demi-million le nombre de fonctionnaires alors que police, justice et hôpitaux clament leurs besoins en personnels, comment il engagerait une réforme aussi sévère sans provoquer une révolution syndicale et populaire. De la même manière, les adeptes du tout-social ne nous disent pas comment ils financeraient leurs très généreuses propositions. Ce que nous savons, c’est que la paix sociale ne sera obtenue qu’au prix de la poursuite du déclin et, inversement, que la réforme déclenchera un incendie social. Etrangement, tous les candidats nous promettent que, une fois élus sur leur programme, ils n’auront aucun mal à l’appliquer. C’est compter sur un rationalisme populaire qui n’a jamais existé.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à La bataille du « modèle social »

  1. Elie Arié dit :

    Excellent article, Monsieur Liscia, et qui amène à se poser deux questions :
    1- Si Fillon baisse trop et que le PS n’arrive pas à remonter : qui empêchera la victoire par défaut de Marine Le Pen aux prochaines présidentielles ?
    2-Faudra-t-il que les taux d’intérêt remontent au point que nous nous trouvions dans une situation à la grecque pour que notre modèle social, financé par le déficit et les emprunts, soit condamné ?

    Réponse.
    Merci. C’est exactement le problème que j’ai soulevé : si Fillon baisse trop, Marine Le Pen l’emportera.

    • Num dit :

      C’est clair que le jour où les taux d’intérêt vont remonter (et ca commence), ca va faire très mal !
      Le modèle social français ? Quel modèle ?

  2. Agnès Gouinguenet dit :

    Vous n’aimez pas M. Macron ? Et pourtant …

    Réponse
    Je vous défie de trouver dans mes chroniques un seul mot désagréable pour M. Macron.
    R.L.

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