Tous chez Merkel

Victoire inattendue
(Photo AFP)

C’est une tradition, lorsqu’on est candidat à la présidence de la République française, d’aller rendre visite au chancelier allemand. Angela Merkel a donc reçu François Fillon et Emmanuel Macron et s’apprête à recevoir, en toute impartialité, Benoît Hamon.

LES VISiTEURS français de la chancelière ont besoin de son onction au-delà de l’intérêt variable qu’ils peuvent lui inspirer. Pourquoi ne pas le dire clairement ? C’est avec M. Fillon qu’elle se sent le plus en phase, sur à peu près tous les plans, l’économie, les finances, la fiscalité, le niveau des impôts. Ce qui les sépare, c’est principalement Poutine et l’immigration. Mais il ne fait aucun doute qu’une France résolument engagée dans l’assainissement de ses finances, dans la ré-industrialisation, dans la lutte contre le chômage et pour la croissance ferait une partenaire idéale de l’Allemagne et préparerait une nouvelle alliance franco-allemande capable de relancer et, surtout, de rénover l’Union européenne.
Les socialistes français ont une arrière-pensée : ils attendent beaucoup de l’ascension de Martin Schulz, ex-président de l’Assemblée de Strasbourg, humaniste attachant et, ce qui ne gâche rien, francophile et francophone. Dans l’esprit de la gauche française, les sociaux-démocrates allemands, s’ils arrivaient au pouvoir sans participer à une coalition avec les conservateurs, adouciraient les règles qui régissent l’économie allemande et permettraient à leurs concitoyens de bénéficier de réductions d’impôts qui amélioreraient leur sort. Il est vrai que l’Allemagne excédentaire, à la fois sur le plan budgétaire et sur celui du commerce extérieur, ne se ruinerait pas si ses habitants s’offraient quelques largesses.

Le coup de la Sarre.

Mais cette belle construction de l’esprit, la disparition politique de Mme Merkel, l’avènement d’un pouvoir social-démocrate à Berlin complice du prochain gouvernement français, repose d’abord sur l’idée que Benoît Hamon sera élu président alors qu’il n’en prend pas vraiment le chemin. Et ensuite sur l’idée que la cote de popularité de Mme Merkel commençait à s’infléchir, ouvrant tous les espoirs d’un retour en force de la gauche allemande. Patatras ! La CDU, le parti de Mme Merkel vient de remporter la Sarre haut la main, élection test qui annonce ce qui ce va se passer aux élections législatives de septembre prochain en Allemagne. Ceux qui avaient vendu un peu vite la peau d’Angela sont bien obligés de déchanter. D’autant que la CDU devance le SPD de dix points dans la Sarre, démentant tous les sondages qui affirmaient que l’arrivée de M. Schulz sur la scène politique intérieure bouleversait le rapport de forces, au point que les socialistes raviraient la première place aux conservateurs. La vérité est que Mme Merkel est profondément aimée par son peuple qui lui est reconnaissant de lui épargner les scandales du genre français, le surréalisme choisi par les Britanniques et les vulgarités de Donald Trump. Les Allemands n’étaient pas enthousiastes à l’idée d’accueillir un million de migrants d’un coup, mais ils savent qu’ils pouvaient s’offrir ce luxe grâce à leurs excédents budgétaires tandis que Mme Merkel avait assez d’avance pour accepter une baisse provisoire de sa popularité. Par la suite, c’est la même Merkel qui, après avoir ouvert ses frontières aux damnés de la terre, a conclu avec la Turquie un accord pour maintenir les migrants sur le sol turc, en échange de quelques milliards d’euros. Encore une dépense que seule l’Allemagne pouvait consentir.

Les qualités de Schulz.

Du haut de son podium inamovible, la chancelière, malgré sa prudence et sa discrétion habituelles, doit observer la vie politique en France avec étonnement et commisération. Il faut savoir que le choix entre Mme Merkel et M. Schulz ne crée pas un dilemme insupportable : ils sont tous deux parfaitement capables de diriger leur pays. M. Schulz peut apporter la garantie qu’il ne sacrifiera pas à quelque projet ambitieux la stabilité politique offerte aux Allemands pendant 12 ans par la chancelière actuelle, même si ses concitoyens préfèreront sans doute ce dont ils sont sûrs et gratifieront Mme Merkel d’un quatrième mandat. En revanche, elle a sans doute un peu de mal à imaginer ce que seraient les relations avec une France macronienne, la fraîcheur du jeune candidat n’enlevant rien à l’exigence de compétence de la chancelière. Quant aux rapports avec un Hamon président prêt à plonger la France dans un déficit abyssal au nom du revenu universel, je vous laisse imaginer quel effroi ils soulèvent à Berlin. C’est une femme en tous points remarquable qui présente un rempart contre le populisme allemand mais, hélas pas contre celui des États-Unis, pays où elle s’est rendue tout récemment. Comme un explorateur dans la jungle, elle a jaugé la bête qui se niche désormais à la Maison Blanche. Les photographes souhaitaient que les deux leaders se serrent la main. Elle a demandé à Trump s’il était d’accord, il n’a pas répondu, plongeant tout le monde dans l’embarras. Plus tard, il a fait savoir qu’il n’avait pas entendu la question d’Angela. Et en plus, il est sourd !

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Tous chez Merkel

  1. Liberty8 dit :

    J’ai beaucoup ri des dernières phrases. Bravo pour l’humour, il en manque un peu actuellement dans l’actualité.

  2. DUDUCHE dit :

    Un exemple à suivre pour les Français… La cohérence et l’étique ont payé.

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