Tous optimistes

Bruno Le Maire, candidat incertain dans l’Eure
(Photo AFP)

Tous les partis politiques se déclarent optimistes quant à leurs chances aux élections législatives. Il vaut mieux partir pour le combat avec confiance, mais il ne faut pas y aller en se faisant trop d’illusions.

EN RÉALITÉ, deux partis, la République en marche (REM) et les Républicains (LR) sont assurés de faire un score significatif. Ils se disputeront donc la première place, avec un avantage certain pour REM. Tout ce que l’on voit des préparatifs engagés par le gouvernement, notamment ces circonscriptions où REM s’est privé de candidat dans l’espoir de faire élire un LR Macron-compatible, indiquent que le président cherche à obtenir la majorité absolue et, à défaut, une majorité présidentielle grâce à une forte représentation de REM à l’Assemblée et un ajout de députés LR acquis à la réforme. Le nouveau parti du président s’est imposé néanmoins quelques contraintes qui peuvent lui coûter des sièges, par exemple, sa décision d’obliger tout candidat à la députation mais déjà ministre à démissionner du gouvernement s’il perd sa législative.

La perplexité des électeurs de droite.

Mais le président Macron compte sur sa chance et sur les changements multiples qu’il a déjà apportés à la vie politique en France (verrouillage de la communication qui n’est pas, disons-le, ultra-démocratique, exigence de probité pour tous les membres du gouvernement, pour leur personnel et pour les élus REM, premières discussions autour de la loi sur la moralisation politique confiée à François Bayrou, ministre de la Justice qui est à son affaire, concertation déjà annoncée avec les syndicats sur la loi Travail) pour séduire un électorat qui ne cache pas sa perplexité. En effet, les électeurs traditionnels de la droite ne comprennent pas très s’ils doivent voter pour le candidat LR ou pour celui de M. Macron. S’ils sont hostiles à la feuille de route fixée par le président, ils ne sont pas certains que leur député ne votera pas les réformes qu’il propose. Pour tout politologue, il est déjà ardu d’appréhender l’ampleur du basculement de la société française ; pour un citoyen lambda, c’est encore plus dur.

Le plan B de Macron.

Il demeure que REM et LR ne sont pas solubles l’un dans l’autre. Leurs programmes sont très différents. François Baroin, qui dirige la campagne de LR, a adopté une attitude offensive, de sorte que ses candidats s’exprimeront avec vigueur contre ceux de M. Macron et se battront pour obtenir un maximum de sièges. L’entourage du président souligne de son côté la refonte du programme de LR, qui ne correspond guère à celui de François Fillon, lequel avait été perçu comme le plus novateur, le plus complet et le mieux financé. Du coup, LR se concentre sur la hausse de la CSG, prévue par M. Macron, et qui va toucher plus particulièrement les retraités, dont les pensions sont pourtant gelées depuis près de quatre ans. La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables va, par ailleurs, créer un trou de quelque dix milliards dans les recettes de l’État. Le gouvernement actuel affirme qu’il va les financer mais, pour le moment, il ne nous dit pas comment. LR, de son côté, prévoit une baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu, pas financé non plus, et a diminué de 60 % son programme de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite.
Sur la base des contenus des programmes, ni REM ni LR n’offrent des perspectives très réjouissantes. En revanche, REM fournit des efforts considérables pour puiser dans le vivier des candidats LR et compte sur la dynamique créée par l’élection de M. Macron. Les électeurs n’ont pas l’intention ou ne croient pas qu’il soit possible d’inverser le sens de l’élection présidentielle, et ils sont familiarisés avec une République dont la constitution et en particulier le scrutin majoritaire à deux tours favorisent une majorité pour le président. M. Macron et son entourage espèrent une majorité absolue. Comme ils ne sont pas certains de l’obtenir, ils ont déjà préparé le terrain pour quelques précieux ralliements à leur politique.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Tous optimistes

  1. Michel de Guibert dit :

    « Les optimistes sont des imbéciles heureux, quant aux pessimistes, ce sont des imbéciles malheureux », écrivait Bernanos.
    Mieux vaut être réaliste !
    Macron a de grandes chances d’avoir une majorité comme vous l’écrivez justement, mais s’il absorbe tout dans cette dynamique présidentielle et s’il n’a pas d’autre opposition que celle des extrêmes, Le Front National ou la France Insoumise, il est à craindre qu’en cas d’échec de Macron, ce que je ne souhaite pas, il n’y ait guère d’autre alternative que ces extrêmes…

  2. Num dit :

    LR a eu tort d’abandonner le programme de Fillon.
    D’une part, par souci de cohérence et de fidélité à leurs électeurs.
    D’autre part, car leur nouveau programme est très proche de celui de Macron et qu’il devient difficile de se différencier. Le seul point de la hausse de la CSG est un détail.
    Cette erreur devient une faute stratégique qui risque de leur coûter cher en leur faisant perdre des 2 côtés: les plus à droite ne s’y retrouvant plus seront tentés par le FN, les plus modérés iront chez EM.

    • mathieu dit :

      D’autant que, durant toute la longue et douloureuse campagne du premier tour, le « plan B » à droite fut, jusqu’au bout, refusé par l’état-major LR (Baroin en tête), car non compatible avec le programme radical de Fillon choisi aux primaires. Et voilà que, d’adoucissants en édulcorants, on en vient, en quelques semaines, à un programme bien plus soft que celui du « plan B », à savoir celui de M. Juppé! Ce qui était jouable, et souhaitable, avant Macron, devient obsolète après l’élection de celui-ci. En politique aussi il y a des dates de péremption!
      Quant à craindre un rassemblement républicain trop large autour du président, qu’on se rassure: c’est possible dans le monde entier… sauf en Gaule! Une opposition va rapidement se construire, en miroir de la politique de Macron. Si celle-ci penche à droite, un parti socialiste fort (ou équivalent) ne manquera pas de renaître de ses cendres, en moins d’un an (les grands soirs, nuits debout et autres insoumis ne durent qu’un moment et finissent toujours par se lasser); si elle incline à gauche, c’est la droite dite dure qui se refera une santé, se dé-solidarisant de la politique gouvernementale, comme le fit Chirac en 1976, construisant son avenir contre le Macron de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing! Le Français, depuis qu’existe la République, aime la bipolarité, autant que le foot ou le rugby, avec des matches et des revanches, aller et retour. On est PSG jusqu’à la mort, ou OM et on peut changer la saison d’après!

      Réponse
      Vous faites bien peu confiance à vos concitoyens. Ils vont vous surprendre.

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