La nouvelle république

Dans la Galerie des Bustes
(Photo AFP)

Sur un point au moins, Emmanuel Macron avait raison : le discours d’une heure et demie qu’il a prononcé devant le congrès réuni à Versailles ne remplace pas celui que le Premier ministre doit faire mardi devant l’Assemblée. Il a voulu exposer l’ensemble de l’action politique qu’il va conduire pendant les cinq ans à venir et qui sera émaillée de nombreuses réformes.

DES REFORMES institutionnelles d’abord, qui vont modifier sensiblement le contenu et les effets de la constitution : réduction d’un tiers des effectifs de l’Assemblée, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, introduction d’une « dose » de proportionnelle, nouveaux dispositifs pour les flux migratoires avec une réforme du droit d’asile, suppression de l’état d’urgence à l’automne, suppression de la Cour de justice de la République, perçue comme un tribunal de privilégiés. Le chef de l’Etat se donne un an pour achever cette réforme (« pour répondre à l’impatience des Français ») que l’on peut comparer sans exagération à une révolution puisqu’elle nous fait passer à une VIè République qui sera donc celle de Macron et non pas celle Mélenchon ou de Montebourg.

« Notre part maudite ».

Des réformes économiques et sociales ensuite, car ce que les Français attendent impatiemment, c’est la création d’emplois et un retour de la croissance. Le président a consacré une bonne partie de son discours à la pauvreté et aux inégalités, s’efforçant de montrer que ses objectifs sont principalement d’ordre humaniste. Convoquant Georges Bataille qui parlait de « notre part maudite », c’est-à-dire notre pourcentage permanent de pauvres, il a déclaré : « Il n’y aura pas de réussite française si chacun n’y a pas sa place ». Toutefois, il a insisté sur l’orientation libérale de sa politique sociale. Il ne s’agit pas, a-t-il expliqué, « de transformer les plus faibles en assistés permanents de l’Etat ». Il faut « se désintoxiquer de l’interventionnisme public ».
Le chef de l’Etat s’est aussi lancé dans une curieuse diatribe contre les agissements des médias, qu’il semble confondre avec les réseaux sociaux. Il faut, a-t-il dit, « en finir avec la recherche inlassable du scandale, le viol permanent de la présomption d’innocence et mettre fin à une chasse à l’homme où les réputations sont détruites et où la reconnaissance de l’innocence, des mois ou des années plus tard, ne fait pas le dixième du bruit de la mise en accusation initiale ». L’analyse de M. Macron est parfaitement exacte sauf qu’elle ne rend pas compte du contre-pouvoir que la presse représente. S’il le veut et s’il le peut, il lui suffit de réclamer que le trafic sur Internet soit surveillé et, éventuellement, épuré, quoique la censure ne soit pas recommandable. En revanche, ses premiers désagréments avec les journaux ne doivent pas le conduire à porter atteinte à l’une de nos libertés essentielles. On veut espérer qu’il s’en rend compte.

Un bréviaire pour cinq ans.

Son discours a donc été un des jalons majeurs de son mandat, un sorte de texte fondamental censé servir de bréviaire à tous les marcheurs de France. De ce point de vue, il serait stupide d’en minimiser la facture et le contenu. Ce que n’ont pas manqué de faire, cependant, la plupart des voix de l’opposition. Les plus virulents ont été Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. La présidente du Front national qui avait fait à M. Macron l’honneur insigne d’assister à son discours a émis un commentaire proche de sa sublime prestation lors du son débat télévisé avec le candidat d’En Marche ! : »Nous n’en savons pas plus en sortant qu’en entrant ; ça fait cher la conférence de presse ». Mme Le Pen a comparé le discours à un « sermon de télévangéliste : il commence les choses, il ne les termine jamais ». Pour atténuer sa méchanceté, il aurait peut-être fallu que M. Macron lui infligeât vingt minutes de plus de ses propos, cela aurait fini par l’anesthésier. Quant à M. Mélenchon, avec sa coutumière délicatesse, il a dénoncé « une interminable pluie de truismes », et parlé « d’ennui mortel », « d’européisme béat » avant de fusiller le président pour avoir « un niveau rédactionnel de chambre de commerce et une pensée politique d’un dogmatisme aussi libéral que lunaire ». Inutile de chercher à critiquer notre nouveau président, vous ne ferez jamais mieux que Mélenchon.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à La nouvelle république

  1. Michel de Guibert dit :

    Oui, une presse indépendante représente un utile et nécessaire contre-pouvoir, mais on se demande parfois quel est le contre-pouvoir du pouvoir de la presse…
    On pourrait faire la même remarque sur le pouvoir des juges.
    Il faut partout un équilibre des pouvoirs.

    Réponse
    Juger les juges, vaste programme !
    R.L.

  2. LEVADOUX dit :

    Analyse toujours très fine. De plus un grand merci d’avoir résumé ce discours d’ une heure et demi.
    Et surtout d’avoir transmis les commentaires lepénistes et mélenchonistes avec tant d’humour !

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