Pouvoir et désordre

Pour le moment, ça baigne
(Photo AFP)

Faut-il s’inquiéter des premiers balbutiements de la majorité République en marche qui, à l’Assemblée, bouscule les habitudes, au grand dam des oppositions ? La presse recense les désordres introduits dans l’hémicycle par l’enthousiasme expéditif et l’inexpérience des nouveaux députés. Elle remarque que le fonctionnement du tandem Macron-Philippe ne semble pas satisfaire le président de la République.

LA PLUPART de ces constats sont exacts : dans l’examen et les votes des projets de loi, les élus REM vont parfois plus vite que la musique. Ils semblent parfois manipulés par leurs leaders. Richard Ferrand, chef du groupe REM à l’Assemblée, a tenté, mais vainement, d’empêcher la suppression de la réserve parlementaire, qui constitue pourtant l’une des promesses de campagne du candidat Macron. Il s’est également distingué en déposant un amendement destiné à éviter l’adoption d’une mesure, la nécessité d’avoir un casier judiciaire vierge pour briguer une élection. Là encore, il s’agissait d’un engament de M. Macron. Or Richard Ferrand est cet ancien socialiste, passé parmi les tout premiers dans le camp d’En Marche, le grand appariteur des investitures pour la députation, devenu un très proche du président, mais embringué dans une affaire, celle des Mutuelles de Bretagne. Il a dû quitter son poste de ministre de la Cohésion des territoires pour prendre la tête du groupe REM à l’Assemblée, mais même cette position est fragile si, au décours de l’enquête sur son cas, il est mis en examen.

Le mystère Ferrand.

Le fait qu’il représente un handicap pour le président et que, simultanément, il se comporte avec une étrange liberté qui le conduit à saper les engagements de son ami relève du mystère. À son tour, comme tous les élus qui ont maille à partir avec la justice, le voilà qui joue un jeu personnel, pas nécessairement en phase avec les intérêts des pouvoirs exécutif et législatif. Personne ne niera que le « nouveau monde » apparemment créé par l’élection à la magistrature suprême d’Emmanuel Macron suit une course aussi chaotique que l’ancien. M. Macron, en effet, a dû se séparer de quatre ministres mêlés de près ou de loin à des affaires. Sa communication, vigoureusement contrôlée, n’en est pas moins jalonnée de dissonances. Des décisions en nombre croissant, la toute dernière étant le rabotage de 5 euros par mois de l’aide au logement qui a soulevé un tollé à droite et à gauche, sont très contestées. Est-il possible de dire que, la nouveauté apportant son cortège de couacs et de faux-pas, la majorité finira, avec un peu de temps et de patience, à se ressaisir ? La cohésion du tandem de l’exécutif elle-même a été mise à mal quand M. Macron a effacé la plus grande partie du discours de politique générale d’Édouard Philippe. Le Premier ministre a annoncé des reports d’un an de baisses d’impôt, le président de la République en a exigé l’effet immédiat. Ambiance.

Les changements prennent forme.

Pour autant, la menace d’une rupture entre les deux hommes est inexistante. À ce jour, M. Philippe ne s’est pas dressé contre le président. Sa discrétion constitue le meilleur rempart pour protéger le chef de l’État. Il a d’ailleurs avalé quelques couleuvres avec une remarquable sérénité. Sa docilité est une forme de talent : il croit profondément aux réformes qu’il veut engager et refuse de se détourner de son objectif pour des questions liées à l’ego et au prestige. Avec une inlassable énergie, il reprend les dossiers à l’endroit où M. Macron les a replacés. Et il repart de plus belle. On dit que le président contrôle sa communication, mais le Premier ministre en fait tout autant. Personne ne l’aura jamais entendu se plaindre. D’aucuns auront vite fait de dire que M. Macron « l’humilie », mais dès lors que lui-même arbore son optimisme, l’humiliation n’existe que dans la tête de ceux qui, de toute difficulté de parcours, font une catastrophe. Non pas que les discordances gouvernementales et celles de la majorité puissent être minimisées. Mais le gouvernement travaille et les changements commencent à prendre forme. C’est encourageant.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Pouvoir et désordre

  1. JB7 dit :

    Remarquable article une fois de plus!
    Pour plus de détails sur l’affaire Richard Ferrand on peut se référer au blog de Christian Lehmann (en attendant H1N1).
    On reproche leur inexpérience aux jeunes députés REM, mais, on verra dans un an s’ils auront effectué plus de travail que leurs prédécesseurs ou non. Pour ma part, j’attends beaucoup plus de ces jeunes députés enthousiastes que des vieux politicards professionnels.

  2. Galex dit :

    @Richard Liscia, Merci pour votre Plume tjs aussi pertinente.
    Votre analyse globale entre « Débutants » et « Amateurs » ouvre positivement la voie au succès de la Jeunesse…dont il faudra cepdt suivre les courants idéologiques, car à bien connaître les « Ledamot du Svensk Riksdag » (députés du Parlement suédois, tous formés aux Écoles très fermées de leurs Partis, les Ungdomsforbund) très jeunes et sans vie professionnelle: La Pensée Unique les rend aveugle et passif… avez vous lu cet excellent livre de 2 journalistes français sur le « Modèle suédois, une réussite? »
    permettez moi un correctif sur le mystère R.Ferrand: « …embringué dans une affaire.. » j’aurais plutôt choisi: « …initiateur de sa propre affaire… » , mais attendons Les Jugements.
    Bien@vous, Galex

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