Social : le suspense

Maqcron à Bucarest
(Photo AFP)

Le texte, pas encore tout à fait complet, des ordonnances censées faciliter l’adoption de la réforme du travail, a été présenté cette semaine aux partenaires sociaux. Ce qui correspond au coup d’envoi de la réforme.

ACCOMPAGNÉ des commentaires acerbes de la gauche, de la journée de protestation du 12 septembre et des diverses manifestations auxquelles il est raisonnable de s’attendre, la réforme du code du travail ne sera une partie de plaisir pour personne : ni les élus, ni le gouvernement, ni ceux qui s’y opposent de toutes les forces mais, cette fois, avec des chances mitigées d’empêcher le texte de passer. L’actuel code du travail est déjà un énorme pavé que seuls les experts connaissent intimement. Le prochain, (si toutefois il est validé par la représentation nationale) ne sera pas moins complexe et touffu. On sait, bien sûr, que les discussions entre le gouvernement et les syndicats ont fait apparaître des points majeurs de discorde, par exemple le remplacement partiel ou total des accords nationaux par des accords de branche, la fusion des représentations de salariés, et le plafond des indemnités accordés par les prud’hommes aux personnels licenciés.

Un climat meilleur.

De chacun de ces points, le patronat a tendance à faire un impératif catégorique tandis que les syndicats en font un épouvantail capable de ruiner la discussion. Mais, s’il est vrai que le diable est dans les détails, il n’est pas inutile de faire le constat suivant : le climat social, en dépit des imprécations encore lancées aujourd’hui par le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez (« Macron pense que les Français sont des imbéciles ») et par Alexis Corbière, de la France insoumise (« Macron est un « social-killer »), est bien meilleur que celui de la réforme El Khomri, dont François Hollande s’enorgueillit encore alors que le taux de chômage continue de grimper (+1 % en juillet, 35000 chômeurs de plus), bien que tous les acteurs économiques soulignent le redressement manifeste de notre économie. Eviscéré pour des raisons clairement électorales, le projet El Khomri n’est pas l’instrument capable de réduire le taux de chômage. Et le risque existe, aujourd’hui encore que, à la faveur du dialogue entre syndicats et pouvoir, le texte de Muriel Pénicaud, ministre des Affaires sociales, soit en définitive excessivement édulcoré.
En revanche, si Emmanuel Macron parvient à faire passer l’essentiel de son programme social, il aura administré la preuve que, même en France, on peut faire des réformes et il aura donc inauguré une nouvelle ère. À Bucarest, où il se trouvait hier, le président de la République s’est exprimé sans nuances : « Les Français, a-il dit, n’aiment pas les réformes », ce qui lui a valu la volée de bois vert de M. Martinez. Si cette formule n’exprime pas son pessimisme, elle révèle sa juste évaluation de la chose sociale dans ce pays et annonce peut-être une certaine prudence dans la manipulation de ce qui est, en somme, un tonneau de poudre. Quoi qu’il en soit, la réforme concerne un enjeu infiniment plus large que les indemnités de licenciement ou la facilité de licencier pour les entreprises. Adoptée, elle annoncera la mise en marche de la modernisation de la France, renforcera sa place en Europe, augmentera le crédit international du gouvernement français et, surtout, nous autorisera à espérer que, cette fois, on va prendre le taureau par les cornes et créer massivement des emplois.

Un chemin de croix.

La gouvernance Macron-Philippe sera, à n’en pas douter, un chemin de croix. Le gouvernement a perdu de nombreux points de popularité en récupérant, par quelques reculs sociaux, les sommes nécessaires au comblement du déficit budgétaire. Sa politique fiscale, quelque peu erratique et contorsionnée, n’est pas rassurante. Elle pénalise les retraités, elle diffère des baisses d’impôt naguère annoncées triomphalement, elle réclame des sacrifices. Le « rabotage » de l’APL (l’aide au logement), fixé à seulement cinq euros par mois, a déclenché un tollé. Et les chantiers suivants sont immenses : la formation professionnelle, qui coûte quelque 30 milliards par an et aboutit à ce que l’on sait de l’état de l’emploi, et, plus tard, la refonte du code fiscal qui, en l’état, est parfaitement injuste. La seule raison d’être optimiste malgré l’enchevêtrement des dossiers, réside dans la détermination du président et du Premier ministre à se montrer à la hauteur de leurs ambitions ; dans la qualité des personnels dont ils sont entourés, notamment le professionnalisme et le doigté de Muriel Pénicaud, dans le sentiment confus mais répandu dans la population qu’il faut donner sa chance à la nouvelle équipe, en dépit des criailleries politiciennes qui n’ont pas cessé depuis que M. Macron est président et se poursuivront bien après son passage au pouvoir. François Fillon a publié un livre, « Faire », dont le titre dit tout de la parole en politique par opposition à une terrible inaction. C’est M. Macron qui a été élu et c’est lui qui doit faire.

RICHARD LISCIA

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