« Fake news » : traque improbable

Macron hier à l’Elysée
(Photo AFP)

Emmanuel Macron a adressé ses voeux pour le nouvel an à toute la presse, nationale et étrangère, réunie pour l’occasion à l’Elysée. Le président de la République a prononcé un discours, un de plus, puis s’est mêlé à la foule des journalistes pour lui faire des confidences plus intéressantes.

EN GROS, le chef de l’Etat veut une nouvelle loi pour combattre les fausses nouvelles complaisamment répandues par des officines qui se donnent des airs de médias mais ont un objectif secret : celui de détruire un candidat qui ne convient pas aux Etats, partis ou groupes qu’ils représentent. M. Macron est persuadé que deux organismes russes, RT news et Spoutnik, ont joué ce rôle, à son désavantage, pendant la campagne électorale et n’a pas hésité à le dire sans la moindre prudence protocolaire alors qu’il recevait Vladimir Poutine à Paris. De la même manière, une enquête, qui fait trembler la Maison Blanche se poursuit aux Etats-Unis pour faire la vérité sur les ingérences russes dans la campagne électorale de 2016. Quelques anciens conseillers de Donald Trump ont été inculpés et on sait avec certitude que les hackers ont réussi à livrer des « fake news » à 128 millions de citoyens américains, soit plus de la moitié du corps électoral. L’élection de M. Trump était inattendue et un nouveau livre qui bouscule la présidence affirme que le candidat républicain ne croyait pas à sa propre victoire.

Trump : victoire usurpée ?

L’idée de M. Macron est d’exercer une vigilance accrue pendant les campagnes, pas d’instituer un organisme de surveillance permanent. Il n’empêche que c’est la première fois qu’un gouvernement envisage de contrôler, peu ou prou, une information censée être produite par les seuls professionnels du journalisme. Avant même de s’indigner d’une attaque contre la liberté de la presse, principe sacré depuis un siècle mais qui, parfois, a été remis en question, il est bon d’admettre que la manipulation de l’opinion par des réseaux aussi efficaces que discrets ne date pas d’aujourd’hui, a déjà eu un impact sur diverses consultations, notamment en 2016 aux Etats-Unis, et soulève un très grave soupçon que seule l’enquête du FBI conduite par Robert Mueller pourra écarter. Ces pratiques, courantes dans les pays considérés comme des « démocratures » (pour reprendre un mot fabriqué par Nicolas Baverez) ou comme des dictatures, ont en effet pénétré les démocraties et ont donc altéré des scrutins. On n’est pas loin de croire que Donald Trump, qui a emporté la présidence en novembre 2016 grâce aux voix du collège électoral mais bien qu’il eût un déficit de trois millions de suffrages populaires, a pu, d’une certaine manière, usurper sa victoire.

La meilleure et la pire des choses.

Il est donc logique que l’Etat intervienne pour mettre un terme à ce scandale. Des hommes tout-puissants dans leur pays, comme Poutine de Russie ou Erdogan de Turquie, qui sera demain à Paris, ont un objectif très clair : ils veulent démontrer que tous les moyens, y compris la fraude, sont bons pour confirmer leur pouvoir chez eux ou leur influence à l’étranger. Et ils ont trouvé une arme efficace : les réseaux sociaux, où l’irresponsabilité le dispute à la haine, où les pires mensonges sont accueillis comme la parole biblique, sont devenus le puissant vecteur d’une campagne de désinformation. M. Trump affirme qu’il n’est pour rien dans les manigances des Russes ou des groupes spécialisés dans l’agit-prop mais, comme il ne les a jamais désavoués,  et qu’il semble en être le principal bénéficiaire, il fait l’objet d’une suspicion à propos de laquelle les instances policières et judiciaires devront, tôt ou tard, se prononcer.

Le problème, c’est que, quand on commence à contrôler l’information, on ne sait jamais jusqu’où on ira. On a découvert, mais un peu tard, qu’Internet, est, comme la langue, la meilleure et la pire des choses. La meilleure parce que les animateurs honnêtes des réseaux sociaux assurent une communication abondante et immédiate. La pire, parce que les malhonnêtes se servent du véhicule pour peser sur les choix populaires. Il est tout à fait légitime qu’un gouvernement conscient de la gravité du problème veuille assurer des rendez-vous électoraux transparents. Il est inquiétant de rédiger un texte de loi qui, sous le prétexte de protéger la qualité de l’information, pourrait finir un jour par juguler la presse. Les journalistes sont les premiers à dénoncer les abus, parfois insensés, des réseaux sociaux. Mais ils sont les premiers aussi à rappeler, en toute occasion, que la liberté d’expression constitue la clé de voûte de toutes les démocraties.

RICHARD LISCIA

 

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