Fonction publique : la discorde

Darmanin et Philippe
(Photo AFP)

Le gouvernement s’est attaqué hier à une réforme particulièrement épineuse : celle de la fonction publique. Il veut d’une part réduire de 120 000 le nombre de fonctionnaires d’ici à 2022, ce qui permettrait au budget de l’État de diminuer sa dépense annuelle de 4,5 milliards. D’autre part, il va associer les syndicats à sa réflexion et créer un créneau de départs volontaires pour ceux qui ne souhaiteraient pas que la réforme leur soit appliquée.

RIEN de nouveau sous le soleil. Le président met en oeuvre ce qu’avait annoncé le candidat qui, pendant la campagne électorale, a été le moins disant en matière de réforme de la fonction publique.  Là où François Fillon prévoyait de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires partant à la retraite (sur un total de plus de 5 millions), il ne propose que 120 000 abolitions de postes, sans en prendre le chemin puisque, dans le budget de 2018, le gouvernement prévoit moins de 2 000 suppressions. Ce qui n’empêche nullement les fonctionnaires, la gauche rassemblée, et même l’opposition de droite, pourtant nostalgique du fillonisme, d’exprimer leur colère ou leur épouvante. Le Premier ministre, Édouard Philippe, et le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, sont pourtant contraints, sans doute sous l’aiguillon impatient du président de la République, d’appliquer les réformes annoncées pendant la campagne. Dans la réactions des oppositions, il y a à la fois la dénonciation rituelle de l’atteinte portée au fonctionnement de l’État et l’espoir que la rue finira par prendre  le relais d’une action politique actuellement en panne.

Un serpent de mer.

Pourtant, la « transformation » de la fonction publique est un serpent de mer. Elle a toujours été promise, jamais appliquée.  Est-elle nécessaire ? L’opposition a beau jeu de de rappeler que les maisons de retraite sont dysfonctionnelles, que les hôpitaux sont débordés, que l’éducation a besoin d’un nombre accru d’enseignants, que l’armée a besoin de matériels et d’effectifs supplémentaires, que la justice et la police manquent de personnels. Dans ces conditions, comment supprimer des postes ? La réponse est dans la comparaison avec le reste de l’Europe, où le nombre moyen de fonctionnaires est proportionnellement inférieur à celui de la France, et dans les inévitables économies à réaliser. Des pays européens dotés d’un moins grand nombre de fonctionnaires offrent des services judiciaires, pénitentiaires, éducatifs qui marchent mieux que chez nous. La « révélation » du réformisme macronien, c’est que l’on peut améliorer la fonction publique en réduisant le nombre de fonctionnaires.

Débat philosophique.

Bien entendu, une population droguée à la dépense et pour qui un emploi est un emploi, fût-il coûteux pour la collectivité, refuse la réforme, dans laquelle elle voit la dégradation d’une fonction publique qui, déjà, donne des signes multiples d’essoufflement.  Il n’empêche que le gouvernement, conscient qu’il s’attaque à une forteresse et que, ce faisant, il prend des risques sociaux considérables, aura été modeste : ce qu’il envisage, c’est une réforme light qui est censée ne pas provoquer les réactions outragées qu’il peut craindre. Le jeu politique est bien plus pervers que ce qu’il semble croire. Divisée, la gauche multipliera néanmoins les efforts pour discréditer la majorité, qu’elle présente non pas comme une formation ni de droite ni de gauche, mais totalement à droite. On se demande comment elle réagirait si M. Fillon avait été élu président et avait déjà supprimé autant de postes en sept ou huit mois que M. Macron espère en supprimer en cinq ans.

Le débat est aussi philosophique. Les éléments disparates qui composent la gauche post-électorale s’entendront toujours sur l’idée que notre dette et notre déficit ne sont pas des plaies incurables. Qu’il est toujours facile d’emprunter, et à un taux bas. Que l’Allemagne viendra à notre secours. Qu’elle est la seule à tirer profit d’une construction européenne dont la France serait la victime. La majorité croit que nous sommes assez adultes pour prendre en main nos problèmes, les traiter par des mesures fortes, d’ailleurs mises en oeuvre partout en Europe, et finir par les résoudre. La réforme, c’est un acte de liberté. C’est la manière courageuse et efficace de dire que, dans une société libre, il n’y a pas de crise que la volonté humaine ne puisse éteindre.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Fonction publique : la discorde

  1. Num dit :

    Quoi que dans l’opposition de droite, j’applaudis ce projet de réforme des deux mains !
    Il esr temps de mettre fin au statut de la fonction publique, hormis les fonctions régaliennes (défense, police, justice) pour lesquelles seules il est justifié.

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