Le maquis des aides sociales

Édouard Philippe hier
(Photo AFP)

Par des voix diverses et au moins à trois reprises, le gouvernement a annoncé qu’il allait réviser la politique des aides sociales. D’aucuns ont vu un « cafouillage » dans les effets d’annonce là où les pouvoirs publics lançaient plutôt un ballon d’essai.

ÉDOUARD PHILIPPE, qui vient d’informer les syndicats de la reprise d’une grosse partie de la dette de la SNCF et aura d’autres dépenses contraintes dans le budget 2019, est bien obligé de réduire les dépenses publiques. La commission de Bruxelles et la Cour des comptes ont souligné à plusieurs reprises que la France, pour diminuer le déficit budgétaire, avait plus compté sur la croissance que sur des coupes claires dans la dépense. L’heure de vérité arrive. Le Premier ministre sait fort bien que la seule évocation des aides sociales soulève la colère d’un pays pour qui elles sont sacrées. Recadrant le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et celui des Comptes publics, Gérald Darmanin, il a juré qu’il s’agissait de mettre de l’ordre et de la cohérence dans l’inextricable fouillis des aides sociales. C’est une façon quelque peu hypocrite de présenter les faits et personne n’est dupe : le pouvoir politique entend faire des économies substantielles, de l’ordre de 10 à 20 milliards, sur des dépenses dont le montant est énorme et dont la variété est infinie.

Un tiers de PIB.

Globalement, la France dépense quelque 760 milliards dans sa protection sociale, nombre qui inclut l’assurance maladie et les retraites. Ce budget représente au moins 33 % du produit intérieur brut (PIB). Cependant, les recettes ne sont inférieures que de quelques milliards aux dépenses et le déficit, de 4 ou 5 milliards, peut être facilement résorbé. S’il existe une crise de la dépense, les aides sociales n’en sont pas nécessairement la cause. L’opposition a compris que le gouvernement ne veut pas seulement équilibrer le budget social, il entend économiser sur ce budget pour se livrer à d’autres dépenses régaliennes. Et c’est pourquoi il est accusé de s’en prendre aux pauvres, aux chômeurs, aux personnes âgées, à tous ceux qui souffrent. Ce qui permet de rappeler, en toute occasion, que ce gouvernement est celui qui a supprimé l’ISF, impôt dont la France avait l’exclusivité mondiale et qui faisait d’elle un repoussoir pour les investisseurs. La vraie question ne porte pas sur l’effort de solidarité de la nation, qui est immense. Elle porte sur des résultats insuffisants. La forte pression fiscale que nous subissons ne permet pas à tous les Français d’avoir une vie décente. Neuf millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté. Il existe donc un décalage très frustrant entre l’effort national de solidarité et ses maigres effets.

Le débat sur les abus est inutile.

Se perdre, comme le font à la fois les gouvernants et leurs opposants, dans des considérations sur les abus commis par nombre de bénéficiaires des prestations sociales, est un exercice inutile. Personne ne peut croire que, parmi les trois millions de chômeurs français, il y ait une proportion élevée de tricheurs. Le chômage, en France, est massif et structurel. Si quelques olibrius piquent un peu d’argent qui ne leur est pas dû, ce n’est pas le fond du problème. En revanche, si on va dans le détail de la dépense sociale, on constate que les prestations liées à l’aide à l’emploi coûtent 45 milliards par an, avec des conséquences à peu près nulles sur la résorption du chômage. Il est donc légitime de se demander si tant d’argent ne peut pas être canalisé selon une méthode plus rationnelle et plus efficace et si, au passage, on ne peut pas faire mieux avec moins d’argent. C’est tout le sens de la réforme qui se prépare et à laquelle on devrait épargner quelques  sarcasmes : le problème est sérieux et l’idéologie n’a rien à voir dans cette affaire.

La préférence du chômage.

On a beaucoup évoqué, ces derniers jours, la prime à l’emploi, mesure qui correspond à une excellente démarche, à savoir que si une personne est payée moins que le Smic pour le travail à plein temps qu’elle fournit, l’État lui donnera la différence pour l’empêcher de préférer le chômage à l’emploi. Il ne faut pas oublier la dérive à laquelle on a donné le nom de « préférence du chômage », mouvement naturel des citoyens les moins bien payés pour s’en remettre à l’État plutôt que de travailler pour trop peu d’argent. La prime à l’emploi est donc une bonne chose jusqu’à ce qu’elle donne lieu, comme toutes les mesures de ce genre, à des abus et à une complexité administrative qui en augmente le coup. Dans la cas du RSA,  somme remise mensuellement à toute personne en fin de droits, on sait déjà que 30 % des gens qui devraient en bénéficier sont tellement horrifiés par la complexité de la procédure qu’ils ne vont même pas déposer leur dossier.

Tenter de mettre un peu d’ordre dans un enchevêtrement de règles et de lois qui, de par sa nature même, doit certainement fuir ici et là n’apparaît pas à quiconque y réfléchit sereinement comme une sombre manoeuvre pour priver les pauvres de leur allocation de survie.

RICHARD LISCIA

 

 

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