Le choix des néo-Calédoniens

Philippe avec la veuve de Tjibaou
(Photo AFP)

La Nouvelle-Calédonie a rejeté tout projet d’indépendance par 56,7% des suffrages contre 43,3 %. Emmanuel Macron s’en félicite. Arrivé sur place, Edouard Philippe propose une réunion en décembre sur le sort de l’île.

LES DÉS ne sont pas jetés. Les traités de Nouméa prévoient deux autres référendums dans les quatre ans qui viennent. Plus de sept points séparent le nombre des non-indépendantistes des indépendantistes. Ceux-ci  l’auraient emporté si nombre de Canaques ne voyaient un danger dans une indépendance prématurée. De sorte que le destin de la Nouvelle-Calédonie ne se joue plus sur la césure entre population de souche locale et descendants d’immigrés blancs, mais entre ceux qui préfèrent la sécurité du giron français et ceux qui veulent affirmer leur spécificité ethnique  et nationale. Les indépendantistes n’ont d’ailleurs pas caché leur joie malgré leur défaite. Ils n’oublient pas un conflit qui a fait des morts, notamment celle de leur ancien chef, Jean-Marie Tjibaou. Ils voient dans le scrutin un progrès pour leur mouvement. Ils savent qu’ils seront encore consultés et pensent que, avec le temps qui passe, ils finiront par gagner.

Le génie de Rocard.

Dans l’évolution pacifique, lente et méthodique de ces trente années, on retrouve le génie de Michel Rocard, qui a su donner un espoir à toutes les parties en présence et a prévu un processus certes compliqué, jalonné de consultations, mais capable de garantir que la volonté de chacun des quelque 275 000 habitants de l’île soit respectée. Un défi démocratique. Les gouvernements suivants, plus particulièrement celui de Manuel Valls, qui a épousé scrupuleusement les intentions de Rocard, ont maintenu le déroulé du processus conformément à la volonté du Premier ministre défunt. Les actuels président et Premier ministre ont obéi à la lettre au contenu des traités. Personne ne pourra dire que, dans cette affaire, la France, et plus particulièrement ses gouvernements successifs aux orientations diverses, n’ont pas respecté les engagements de Rocard ou qu’ils aient négligé un principe suprême, celui de la continuité de l’Etat.

Un effort de persuasion.

Cependant, les traités contiennent des clauses relativement dangereuses pour la présence française dans ce territoire. La fréquence des votes prévue donnent au mouvement indépendantiste des occasions inespérées, même si la raison économique et sociale exige notre soutien à la Nouvelle-Calédonie, dont le fonctionnement est financé à hauteur de 1,3 milliards d’euros par an. Les Canaques, ont gardé un état d’esprit qui fait des Caldoches des adversaires, en dépit de tous les efforts fournis depuis longtemps pour que ces deux communautés se rapprochent. A la crise ou au conflit, ont succédé le dialogue permanent et l’effort partagé non seulement pour que les communautés se comprennent mais pour qu’elles travaillent ensemble et contribuent à une croissance qui n’est pas négligeable. Pour que s’éteigne la flamme de l’émancipation en Nouvelle-Calédonie, qui n’est entretenue dans l’hexagone que par la France insoumise, il faut donc un effort de persuasion qui n’est pas terminé. Il passe par un regain d’éducation, par des perspectives sociales qui s’améliorent chaque jour, et par des systèmes de solidarité que le gouvernement doit amplifier.

Il reste à évaluer le poids de la présence française à l’autre bout du monde. Il compte parce que la Pacifique sud est une région stratégique. Mais si la formation et le niveau de vie des Canaques leur permet de prendre en main leur destin à la faveur de l’une des deux prochaines consultations, il ne faudra pas en tirer la conclusion que l’indépendance néo-calédonienne ne peut s’accomplir que contre nous. La France a donné aux populations de l’île toutes les chances possibles d’exprimer leur volonté. Il n’y a aucune raison que l’indépendance éventuelle soit vécue par nous comme une revanche.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Le choix des néo-Calédoniens

  1. admin dit :

    LL (Etats-Unis) dit :
    Encore deux scrutins, certes, mais qui sont en tous points très rassurants.

  2. mathieu dit :

    Ces referenda à répétition sont l’honneur et la fierté d’une démocratie. Ils sont aussi le poison de l’unité d’une nation. Ils créent le sentiment -peut-être justifié ?- d’une appartenance conditionnelle, temporaire, en pointillé, révocable à tout moment, et qui peut faire école parmi tous les territoires et communautés où certains peuvent rêver d’indépendance (Corse, Pays Basque). Le très estimable Michel Rocard n’a pas toujours été un visionnaire politique (considérant, par exemple, « la place inexorable et incontournable de la Turquie dans l’Union européenne »). Hélas les démocraties solides se sont bâties par la force, l’autorité, souvent dans le sang et le combat des armes, bien plus que sur les bons sentiments et les belles et fraternelles utopies! (pour les seuls Etats-Unis, l’extermination des Amérindiens, une guerre civile et deux siècles d’affrontements raciaux!).

    Réponse
    M. Mathieu, encore un effort. Pas de politique sans éthique. Vous êtes en outre très injuste envers Rocard qui a très bien vu que si la Turquie d’alors n’était pas acceptée au sein de l’UE, elle deviendrait ce qu’elle est aujourd’hui, une « démocrature » islamiste. Enfin, le référendum n’a rien de démocratique puisque les votants ne répondent pas à la question, mais suivent leur propre idée.
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      Oui, R.L., je pense aussi que l’adhésion de la Turquie dans l’UE l’aurait arrimée à l’Europe et sans doute évité la dérive islamiste en costume cravate d’Erdogan

  3. Michel de Guibert dit :

    Les canaques ne représentent qu’environ 40 % de la population néo-calédonienne ; quand bien même ils seraient tous indépendantistes, ils ne peuvent à eux seuls obtenir l’indépendance sans l’appui d’une partie des autres populations néo-calédoniennes : caldoches ou européennes, wallissiennes ou futuniennes, mélanésiennes, polynésiennes, indonésiennes, vietnamiennes, etc.

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