Notre-Dame : polémique méprisable

Le Radeau de la Méduse, de Géricault
(Photo AFP)

L’effort de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris n’a pas commencé qu’une vive polémique oppose le pouvoir aux partis, les gilets jaunes aux donateurs, les riches aux pauvres, les tenants optimistes d’une réhabilitation rapide aux pessimistes pour qui elle prendra des siècles.

CERTES, le désastre a inspiré le président de la République qui a souhaité démontrer que la politique au jour le jour devait céder le pas à la mobilisation. Il a néanmoins livré un message optimiste et unitaire. Il a voulu ajouter à la ferveur religieuse la passion des hommes pour la création, en l’occurrence la re-création. Il a réclamé du peuple sa convergence vers un seul sujet, capable d’effacer momentanément les préoccupations qui le minent. Il a joué son rôle.

Insulte à la douleur nationale.

Il n’a été que médiocrement suivi, principalement parce que le peuple qui l’a élu se méfie de lui. Là où il a décelé, avec son intuition bien connue, la source d’un redressement national, d’autres, très nombreux, ont trouvé dans la leçon qu’il tire de la catastrophe un danger politique. Comme à l’ordinaire, ses opposants de tout poil ne voient en lui que l’un des participants à la kermesse, violente et passionnée, qui incendie les cœurs, au même titre qu’un feu impitoyable a détruit le centre de la cathédrale. Je veux bien que, accrochés à leurs ronds-points et aux Champs-Elysées, les gilets jaunes considèrent comme une distraction tout événement imprévisible qui contre-carre leur projet. Mais ce qu’ils nous disent est fatalement une insulte à la peine de leurs concitoyens, et pas seulement à celle de l’Etat.

Un débat sur les priorités.

La polémique est multiple, qui porte d’abord sur les priorités : il faudrait de toute urgence enrichir les pauvres et s’occuper après de Notre-Dame ;  l’argent déversé à flots par les grandes familles et les grands groupes sent mauvais, serait sacrilège, montre une fois de plus la nécessité de l’Impôt sur la fortune (et si les très riches n’avaient pas bougé, s’étaient montrés indifférents, de quoi encore les aurait-on accusés ?) ; le courage des pompiers, célébrés aujourd’hui à l’Elysée, n’est rien par rapport aux fausses nouvelles qui nous racontent un complot, une mise à feu criminelle, une volonté de nuire et de détruire, peut-être celle de porter un coup à la cause des gilets jaunes. Que Nicolas Dupont-Aignan, de Debout la France, s’empare sans vergogne de cette thèse qui court les réseaux sociaux et les cerveaux embrumés par la fumée n’est pas que pathétique, c’est misérable, c’est le comportement d’un homme qui, au bout de son parcours, convaincu de son échec, jeté dans les cordes par ses propres fautes, croit renaître politiquement en instruisant un faux procès.

La seule voie possible.

La controverse concerne également les conditions de la course à la reconstruction telles qu’elles ont été définies par M. Macron : cinq ans, pour un chef d’œuvre que les humains ont mis deux siècles à bâtir. De la folie ! Mais quoi ? L’important, c’est de fixer un objectif et, si le travail de restauration prend un, deux ou trois ans de plus, ce ne sera pas la fin du monde. Une charpente de chêne, ou trouver les chênes ? Une charpente de métal ? Insulte au génie historique de l’artisanat français ! L’important était de donner le signal de départ de la mobilisation, le rassemblement qui rendra le projet plausible, l’accumulation d’énergie qui triomphera des difficultés. Ceux qui refusent la méthode sous le prétexte qu’elle est énoncée par un président à leurs yeux illégitime ne comprennent même pas qu’un autre chef de l’Etat , s’il avait un peu de respect pour les Français et pour sa fonction, dirait exactement la même chose.

La politique revient au galop.

La politique n’a fui l’incendie que pendant vingt-quatre heures. Chassée, elle est revenue au galop, faisant à son tour les mêmes ravages, en asphyxiant l’intelligence nationale, en brûlant les liens qui nous rassemblent, en introduisant le doute dans les cœurs blessés. Comment faire pour transformer un malheur en élan national ? Comment retrouver l’esprit de résistance ? Comment, en définitive, distinguer le positif du négatif, l’espoir du désespoir, la mauvaise humeur de la confiance, bref, le bien du mal ? La leçon, la voici : la revendication incessante a conduit une faible minorité à ne trouver de l’enthousiasme que dans la constance de leur mépris pour les autres, dans la haine de leurs concitoyens, dans l’égoïsme catégoriel ou professionnel,  dans le rejet de toute chapelle, Notre-Dame comprise, et à errer solitairement sur un océan agité, comme les passagers du Radeau de la Méduse.

RICHARD LISCIA

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13 réponses à Notre-Dame : polémique méprisable

  1. Michel de Guibert dit :

    L’Évangile du jour du lundi au moment où Notre Dame s’est embrasée était le récit du parfum précieux répandu sur Jésus par Marie de Béthanie, geste critiqué par Judas, et de la réponse de Jésus : « Laisse-la observer cet usage en vue de mon ensevelissement ! Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. » (Jean 12, 1-11)

  2. D.S. dit :

    Le milliard d’euros dont on parle va se transformer, dans les années qui viennent, principalement en salaires. Quand les chantiers de Saint-Nazaire engrangent des commandes, M. Martinez est satisfait.Quand une entreprise ferme en mettant ses salariés au chômage, M. Martinez crie au scandale. J’aimerais donc qu’il m’explique pourquoi l’investissement de nos généreux donateurs pour remettre en état Notre-Dame de Paris le dérange à ce point.

    • Daniel M. dit :

      M. Martinez trouve tous les prétextes pour entretenir le feu de la lutte des classes ; c’est pourquoi il critique les généreux donateurs qui devraient donner aux Français (800 millions), et il les aurait critiqués tout autant haut et fort s’ils s’étaient abstenus. Toute l’action de la CGT, entreprise de destruction nationale de l’emploi, se résume à ce principe.

      • D.S. dit :

        J’ai oublié de préciser que les chantiers de Saint-Nazaire construisent des bateaux « pour les riches ». Faut il les fermer pour cette raison, M. Martinez ?

    • Michel de Guibert dit :

      … sans compter que ce n’est pas un milliard d’euros, mais 10 milliards qui ont été débloqués pour les gilets jaunes (sans compter les mesures que le président Macron nous annoncera la semaine prochaine).

  3. Richard dit :

    Remarquable, comme souvent

  4. Sphynge dit :

    Si un homme politique s’est livré à la dénonciation d’un acte volontaire il a eu tort, vous le dites bien. Mais qu’il évoque l’hypothèse d’une cause non accidentelle, dont la possibilité d’un acte criminel (après ceux de Saint-Denis et de Saint-Sulpice pour les plus voyants), paraît être raisonnable. Cela ne fait pas de lui un « complotiste ». Il serait léger de la part d’un responsable politique de s’en tenir à une explication a priori, ici précipitamment favorisée par la justice et les médias.

    Réponse
    Allez, essayez de trouver un meilleur candidat pour déployer votre défense ! Vous associer à ce pitre ne convaincra personne.
    R. L.

  5. JEAN MARIE RADIGUET dit :

    Les Français sont bien pathétiques, peuple de jaloux égoïstes. Quand ferons-nous quelque chose pour la France plutôt que l’inverse érigé en modèle sociétal ?

  6. Stéphane LEMAN dit :

    Apparemment 68 pour cent des Français sont favorables aux efforts décidés pour que Notre-Dame redevienne un des joyaux de la France, soit plus de 42 millions de nos compatriotes.
    Alors que représentent les gilets jaunes, soit environ 1 par commune ( 36 000 communes en France ) ? Rien, c’est ridicule et aujourd’hui je dis comme beaucoup qu’ils m’emmerdent, mais je suis également satisfait car je peux constater qu’il y a dans notre pays beaucoup moins de frustrés que ce que les médias voudraient nous faire croire.

  7. JULIEN dit :

    Si les généreux donateurs laissaient à l’Etat une partie au moins de leur avoir fiscal lié au don, leur geste serait encore plus beau

  8. mathieu dit :

    Ces chers gilets jaunes, ce bon peuple! Déjà, après la Révolution, ils commençaient à faire de Notre-Dame une carrière de pierres à ciel – ou porte – ouvert(e). Lors de la Commune, après avoir incendié les Tuileries et l’Hôtel de Ville, ils s’attaquaient à la démolition de Notre-Dame! On ne se refait pas! Heureusement, Bonaparte a eu besoin de Notre-Dame pour un autre usage !

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