Une violence partagée

Policiers contre gilets
(Photo AFP)

La presse française consacre une place considérable à la violence policière, qui a très probablement augmenté, à mesure que se multiplient les actes de déprédation commis par les casseurs et autres black blocs. C’est un problème que le gouvernement ne semble pas maîtriser, tant il craint de désigner les policiers comme des fautifs, alors qu’il leur réclame des efforts incessants pour juguler les manifestations de gilets jaunes.

LE DÉBAT n’est pas sans intérêt, il est même essentiel, car, en ripostant à la violence par la violence, le pouvoir met en danger les fondements mêmes de son action : ses ripostes ne sont légitimes que si elles respectent les règles démocratiques prévues par la Constitution, celles-là même qui exigent le retour à l’ordre et qui, si elles sont bafouées par la police ou la gendarmerie, les prive moralement de leur droit d’agir.

Dans cette affaire, on peut tout de même estimer que personne en France, à la fin de l’été 2018, ne prévoyait que le mouvement des gilets jaunes serait aussi répétitif et serait accompagné d’éléments insurrectionnels. Comme tout le monde l’a fort bien compris, les critiques adressées au gouvernement, et plus spécifiquement au ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, sont contradictoires : d’un côté, les partis de droite veulent que le pouvoir mate des émeutes dont le coût moral, humain et financier est énorme ; de l’autre, les partis de gauche rappellent que le droit de manifester est constitutionnel et que le gouvernement doit se débrouiller avec la violence sans se hâter d’y recourir à son tour.

Respecter les droits de l’homme.

Plus facile à dire qu’à faire. Il demeure que plusieurs enquêtes de l’IGPN ont été lancées, que des manifestants, et parfois les plus calmes, ont été grièvement blessés de même que de nombreux policiers, que les LDB ont éborgné plusieurs personnes, que les gilets jaunes qui ont pénétré à la Pitié-Salpêtrière voulaient seulement échapper aux gaz lacrymogènes, mais qu’ils ont été envoyés au poste sans ménagements, que des enfants et adolescents ont été traités un peu comme des terroristes par la police, bref, que les droits de l’homme ont été plusieurs fois bafoués. À ce jour, cependant, aucune mise en examen de personnes appartenant aux forces de sécurité n’a été prononcée et les gilets jaunes ne versent pas dans l’excès quand ils affirment qu’on les prive souvent de liberté pour n’avoir rien fait alors que, à ce jour, on n’a passé les menottes à aucun policier. Le pouvoir s’abrite derrière la justice. Pour lui, l’IGPN n’existe que pour sanctionner les éventuels excès des forces de l’ordre et il appartient aux juges de décider la sanction qui leur semble la plus appropriée.

Oui, le gouvernement ménage la police.

Mais personne n’est dupe. Le ministre de l’Intérieur ne saurait demander aux forces de sécurité de combattre inlassablement les émeutiers, ce qui crée des tensions qui conduisent certains d’entre eux au suicide, et en même temps leur appliquer aveuglément la rigueur des textes. Oui, c’est clair, le gouvernement ménage des forces de l’ordre usées jusqu’à la corde par la durée du mouvement des gilets jaunes ; il craint, en laissant les juges les condamner, de provoquer une grève perlée, des démissions, un renoncement à rétablir l’ordre.

Et, bien entendu, ceux qui accusent le pouvoir n’ont pas tort de dénoncer son indulgence, sauf qu’ils ne sont pas à sa place et que, s’ils y étaient, la plupart de ses détracteurs se conduiraient de la même manière.  Les gilets jaunes, de ce point de vue, sont l’exemple parfait de ce que les Anglais appellent le « wishful thinking », une sorte de raisonnement auto-réalisateur : alimentons le feu de l’anarchie jusqu’à ce que police et gendarmerie s’y carbonisent eux-mêmes, jusqu’à ce que la violence des émeutes les conduisent à la même violence.

Dans ces conditions, que faire ? D’abord, nous sommes tous assez libres pour nuancer les déclarations incendiaires que prononcent les professionnels du désordre et leurs chevau-légers politiques, qui haïssent Macron jusqu’à la moëlle. Ensuite, exiger de ces institutions à laquelle les policiers et gendarmes appartiennent qu’elles parviennent à s’auto-évaluer et à prendre des mesures contre les éléments qui dépassent les bornes sous le prétexte de rétablir l’ordre. Ce qui permettrait à la justice de prononcer des jugements plus fermes contre les casseurs et les incendiaires. Ensuite, le ministre de l’Intérieur doit améliorer sa communication, qui a été plutôt mauvaise ces derniers temps. Il ne s’agit pas d’accumuler les épithètes, mais de montrer que, la violence appelant la violence, le gouvernement fait au mieux avec ce qu’il a.  Il faut aussi décrire le jeu pervers de la politique qui entraîne un usage permanent, excessif et lamentable de la mauvaise foi. Il faut rappeler sans cesse à l’opposition ses criantes contradictions.

RICHARD LISCIA

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