Le RN en tête

Ennemis intimes
(Photo AFP)

La moyenne des enquêtes d’opinion les plus récentes, donc les plus crédibles, accorde au Rassemblement national un avantage d’un demi à un point sur la République en marche (REM). Si cet avantage est confirmé dimanche, Emmanuel Macron sera contraint de modifier en profondeur sa méthode de gouvernement.

C’EST l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. S’il réunit 22 à 23 % des suffrages, Emmanuel Macron se contentera de dire que son socle électoral n’a pas été amoindri par les crises de ces deux dernières années, y compris la plus récente, qui n’est pas terminée, celle des gilets jaunes. Il est trop tôt et de toute façon inutile de revenir sur les causes de l’éventuel échec de la REM. On débattra de la personnalité de Nathalie Loiseau, pourtant grandement aidée par le président et par le Premier ministre ; on cherchera le pourcentage de voix qui a permis à M. Macron d’arriver en tête du premier tour de la présidentielle de 2017 et qu’il n’aura pas tout à fait retrouvé ; on reconnaîtra que la campagne anti-Macron menée par les partis d’opposition a fait des ravages dans l’opinion et désigné un homme à abattre ; on s’inquiètera de cette dérive de l’opinion, insensible aux excès de langage, aux petits complots de l’extrême droite avec l’Américain trumpiste Steve Bannon et ses homologues européens, les Salvini, les Orban ou ces populistes autrichiens mêlés à un scandale sans précédent et contraints de quitter le pouvoir.

Un exercice de funambule.

L’opposition s’est acharnée à décrire une gouvernance de Macron contenant des procédés scandaleux, fictifs ou réels, mais dans tous les cas poussés jusqu’à l’outrance. Le président, l’Élysée n’ont pas su se protéger contre des personnages sulfureux, contre leur propre hubris, contre un triomphalisme qui a résisté à leurs premiers revers et a empêché la riposte idoine à des attaques politiques proches de l’hystérie. La majorité n’a cessé de croire en sa bonne foi, alors qu’elle rassemble des élus qui ne sont pas toujours d’accord ; elle a été contrainte par les crises de dresser un rempart pour protéger Macron alors qu’elle réclamait une politique capable d’inclure des préoccupations venues de la gauche du mouvement. Le « en même temps », qui n’est rien d’autre qu’un exercice de funambule, c’est un risque de chutes répétées.

Le poison démagogique.

Il est vrai toutefois que la popularité de l’extrême droite résulte du poison démagogique inoculé dans les esprits par une propagande mensongère. Et que, dans ce chaos contemporain qui maltraite l’information, la remplace par les produits de l’imagination, construit de faux procès fondés sur de fausses preuves, le rêve d’une forte partie de nos concitoyens est le cauchemar des démocrates. M. Macron n’est victime ni de ses provocations, ni de ses réformes, ni d’une culture qui effraie  ceux qui en sont dépourvus, ni de son inexpérience, ni de ses idées ou de ses choix. Il souffre du contexte. Il a pris le pouvoir parce qu’il apportait un changement capable de séduire un pays dégoûté de ses prédécesseurs. En récusant ceux-ci, les Français réclamaient aussi un changement de système, et le passage à une VIe République. Bref, ils ont élu Macron en croyant qu’il ferait un peu comme Mélenchon. Ce n’était pas du tout le projet du président, qui croit dur comme fer au libéralisme dans une période marquée par l’ascension de l’illibéralisme. Tous les Français ne votent pas RN, heureusement. Mais la plupart sont assez décontenancés pour espérer une révolution, à laquelle Macron a toujours opposé le réformisme.

En 2017, peut-être sur la base d’un malentendu, mais pas toujours, Macron a donné un coup d’arrêt à la dérive populiste et, déjà, il a rendu un grand service au pays en empêchant les expériences ineptes auxquelles nous convient les Marine Le Pen et les Jean-Luc Mélenchon. Maintenant, il doit non seulement poursuivre les réformes mais en finir avec le désordre. La tâche serait plus  facile s’il l’emportait dimanche. Et plus dure dans le cas inverse.

RICHARD LISCIA

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