La réforme, c’est ça

Philippe et Delevoye
(Photo AFP)

Il n’aura échappé à personne que Jean-Paul Delevoye, qui n’a pas de pouvoir exécutif, a présenté, sur les retraites, un projet qui ne comprend aucune décision, mais une foule de propositions ou de préconisations. Son plan pour les pensions est pourtant vilipendé alors que le gouvernement insiste sur les négociations avec les partenaires sociaux et sur une application des mesures qui prendra une quinzaine d’années.

LE GOUVERNEMENT d’Édouard Philippe n’a pas toujours excellé par sa prudence. Quelques crises à répétition, dont la plus récente est celle déclenchée par les us et coutumes de François de Rugy, l’ont amené à avancer à pas de loup dans la réforme des retraites. Qu’importe. Voilà les syndicats sens dessus dessous, bien qu’ils sachent depuis longtemps que le pouvoir n’a pas d’autre ambition que d’équilibrer les comptes de l’assurance-vieillesse et de la rendre un peu plus juste sur le plan social. Que la CGT appelle déjà à une mobilisation générale à la rentrée semble indiquer qu’elle obéit davantage à un réflexe de Pavlov qu’elle ne se livre à un minimum de réflexion. Il est simplement faux de dire que les 42 régimes de retraite, dont le seul nombre suffit à décrire l’inégalité et la confusion financière, n’ont pas besoin d’être unifiés. Il est faux de dire que, si l’on tient compte de la pénibilité de certains métiers, le système un euro cotisé donnant les mêmes droits aux futurs pensionnés, n’est pas viable ou juste. Il est faux de dire que l’exécutif ne tient aucun compte des conséquences sociales du projet tel qu’il est décrit actuellement par M. Delevoye au terme de 18 mois de discussions avec les partenaires sociaux. Il est faux de dire que la prolongation des carrières, dans une société où on vit beaucoup plus longtemps qu’il y a un siècle, avec une qualité de vie bien meilleure, précisément parce qu’ont été mis en place les garde-fous sociaux, condamne à mort ou à la misère les actifs payés au Smic.

Les scandales silencieux.

Le débat n’est pas d’aujourd’hui. Il a commencé avec les progrès de l’espérance de vie, qui ne se seraient pas produits au lendemain de la Seconde guerre mondiale si, justement, n’avait pas été mise en place cette répartition de la richesse nationale qui permet à tous les salariés et même aux indépendants de finir leur vie dans des conditions de vie décentes. Le gouvernement n’entend pas supprimer ces avantages acquis et, de toute façon, il ne pourrait pas le faire. Il tente seulement de faire en sorte que les budgets des pensions ne soient pas déficitaires et il veut ajuster des régimes spéciaux qui accordent à certains salariés des privilèges féodaux, comme à la SNCF ou à la RATP. À côté des scandales dans le monde politique ou dans celui des riches, il y a des scandales silencieux qui se cachent sous l’apparence de la pénurie. Mais enfin, partir à la retraite à 55 ans en 2019, n’est-ce pas une imposture totalement révoltante ? Et pourtant le même raisonnement accablant ceux qui tiennent le haut du pavé s’applique à ceux dont l’oisiveté et les « avantages acquis » sont financés par d’autres salariés. Je ne vois pas pourquoi on devrait se taire à ce sujet alors que nous en sommes à un débat axé sur la délation. Dans la crise des gilets jaunes, dans cette lutte des classes qu’ils appellent de leurs vœux, dans cette dictature du prolétariat que Jean-Luc Mélenchon souhaite imposer, on trouve en fait une sorte de mépris pour tout ce qui est fait en leur faveur, à un coût très élevé, et le rêve étrange d’enrichir les pauvres tout en dépouillant les riches, même si, en répartissant toutes les fortunes dans les foyers modestes, on ne satisferait pas l’ensemble de leurs besoins.

Un travail de Sisyphe.

Non seulement les réformes sont indispensables, mais elles doivent être permanentes. C’est un travail de Sisyphe. Il fait aider ceux qui souffrent, mais il faut aussi mettre un terme à la financiarisation de l’économie, et le gouvernement s’y emploie, il est vrai avec peu de succès jusqu’à présent, au niveau national et européen. En tout cas, il est parfaitement conscient des injustices créées par le capitalisme et la mondialisation. Il sait parfaitement qu’il n’y a aucun avenir pour un État démocratique si on s’en tient aux seuls résultats des élections. D’une certaine manière, et bien que cette opinion soit partagée par peu d’observateurs, la macronie est une chance pour le pays. C’est une forme de pensée qui ne jettera jamais le bébé avec l’eau du bain, qui n’oubliera pas les nécessités sociales, même si son premier réflexe a consisté à s’attaquer en premier lieu aux scléroses nationales, et qui s’efforcera de concilier le moins mauvais des systèmes avec la satisfaction des besoins populaires. La réforme, c’est l’alternative à une révolution inutile et destructrice. La réforme, c’est le changement sans écoulement de sang. La réforme, c’est surtout une forme rare de courage.

RICHARD LISCIA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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3 réponses à La réforme, c’est ça

  1. Picot dit :

    La Macronie une chance pour le pays? Les gilets jaunes apprécieront. Comme avec la Hollandie, la Sarkosie, la Chiraquie et, le pompon, la Mitterandie. Nous en avons pris plein la figure.

    Réponse
    Mitterrand prend deux r.
    R.L.

  2. Doriel Pebin dit :

    Merci pour cette excellente analyse, Si les réformes de la macronie échouent, c’est la France, c’est à dire nous tous, nos enfants et nos petit-enfants, qui en paieront le prix. Manifestement, comme pour le Brexit, nombre de syndicalistes, politiques ou commentateurs privilégient les intérêts partisans et court-termiste à l’intérêt général, reflet de notre génération adulescente égocentrée ne pensant qu’au temps présent. Depuis le refus des réformes de Juppé il y a 20 ans (elles seraient derrière et non devant nous si elles avaient faites !), nos différents présidents n’ont fait surtout que procrastiner tandis que d’autres pays ont fait les réformes nécessaires (Scandinavie, Canada…). Si nous voulons que les Allemands s’investissent plus dans l’Europe, il serait temps que la France ne soit plus dans les derniers de la classe, ce qui n’empêche pas évidemment de promouvoir notre modèle de solidarité. Nous avons besoin de courage et mais aussi d’honnêteté.

  3. Ojj dit :

    C’est tout à fait vrai, on ne peut dénoncer les abus uniquement d’un côté et défendre les avantages acquis devenus indus par l’évolution des conditions de travail de l’autre. Ce n’est que de la mauvaise foi et de l’injustice. Il est effectivement difficile de considérer normal que certaines personnes puissent prendre leur retraite à 56 voire même à 53 ans, car il y en a, lorsqu’il ne s’agit pas d’une carrière longue ou d’un métier pénible. Pour ne parler que du monde de la santé, le métier de l’aide soignante est épuisant de même que certaines spécialités à garde. Ils devraient être considérés de façon spécifique. Or on sait que l’on ne peut revoir ces carrières sans toucher à celles qui ont des avantages devenus excessifs. Il faut rééquilibrer avant de savoir quel effort supplémentaire la collectivité nationale doit faire pour améliorer leur sort, à contrario de ce qui est fait depuis des années. Le gouvernement doit faire preuve de beaucoup de pédagogie ce qui prend beaucoup de temps, pour faire comprendre aux citoyens qu’il n’y a pas d’autre credo possible. La majorité doit s’impliquer mais aussi les partis d’opposition raisonnables. Il ne peut qu’y avoir un consensus sur un tel sujet.

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