Iran : l’engrenage

Un Trump perplexe
(Photo AFP)

L’armée iranienne a lancé des attaques aériennes contre deux bases militaires américaines en Irak. Téhéran annonce avoir fait 80 morts. Donald Trump a affirmé qu’il n’y avait pas de dommages matériels et humains, mais devait présenter un bilan dans la journée d’aujourd’hui.

L’IRAN avait pour unique objectif de se venger de l’assassinat, par des drones américains, du général Qassem Souleimani, pilier du régime des ayatollahs. Téhéran n’a pas caché qu’il se livrerait à des représailles, mais, dans un communiqué abscons, le régime a laissé entendre qu’il souhaitait la fin de la bataille. Tout dépend du nombre de victimes, morts ou blessés, dans le camp américain. S’il est élevé, Donald Trump ne pourra pas le cacher, chaque soldat américain tombé au combat faisant l’objet d’une cérémonie funèbre publique. À noter que, dans cette affaire, la violence des échanges masque l’embarras des deux camps : les Iraniens ne souhaitent évidemment pas que les Américains détruisent les infrastructures d’un pays déjà très affaibli par les sanctions économiques et commerciales ; M. Trump est pris dans un engrenage totalement contraire à ses objectifs puisqu’il a toujours juré qu’il rapatrierait un jour tous les corps expéditionnaires des États-Unis.

Un cercle vicieux.

Le voici, au contraire, engagé dans un cycle de bombardements et de représailles qui se traduira par un accroissement de ses interventions militaires dans la région. Il avait déjà fait mine de retirer ses forces de nord de la Syrie, abandonnant ainsi les troupes kurdes à leur sort face à une invasion d’une partie des territoires qu’ils contrôlaient par l’armée turque, désormais  fermement installée sur les lieux où les Kurdes, avec la protection américaine, combattaient les terroristes de l’État islamique. Bravache comme à son habitude, M. Trump avait déclaré que ses services avaient identifié 52 sites iraniens susceptibles d’être bombardés, y compris des sites « culturels », ignominie inutile et inacceptable. Cependant, le gouvernement irakien, qui est entièrement sous la coupe des chiites, alliés de l’Iran, a exigé le retrait des 4 500 militaires américains qui se trouvent en Irak. Bagdad a reçu un lettre du Département d’État acceptant ce retrait au nom de la « souveraineté » irakienne. Aussitôt, la Maison Blanche a indiqué que le document n’était qu’un « brouillon » à ne pas prendre au sérieux. Cet épisode pour le moins bizarre décrit parfaitement le comportement de la diplomatie des États-Unis, écartée entre le recours à la force pour faire entendre son point de vue et le désir de Trump de mettre un terme à l’interventionnisme de son pays.

Retour au point de départ ?

Son amateurisme et son indécision le plongent dans des contradictions surprenantes. Certes, les Iraniens ont pris leur revanche, mais l’assortissent d’une demande à peine voilée d’une reprise des négociations. M. Trump a cru qu’il pouvait déchirer l’accord nucléaire entre Téhéran et quelques grandes puissances, accord qui empêchait l’Iran d’accéder à la bombe atomique. Les recherches iraniennes et la constitution d’un stock d’uranium et de plutonium ont repris, là aussi pour riposter à la mise en place de sanctions économiques qui asphyxient l’Iran. Il n’est donc pas impossible que Trump, en définitive, et dans la mesure où il est capable de s’associer durablement à une vraie démarche diplomatique, rejoigne le camp de la négociation. Entretemps, ses actions au Moyen-Orient ont affaibli la posture américaine. Il a laissé la Turquie prendre position en Syrie et affaibli les Kurdes qui, jusque là, avaient accompli un remarquable nettoyage des terroristes de la région ; il a renforcé l’influence de l’Iran et de la Russie en Syrie et au Liban ; et, surtout, il a pris le risque de devoir bientôt accroître ses effectifs dans une zone qu’il voulait quitter sans espoir de retour. La recrudescence des activités de Daech l’obligeront en effet à prendre des mesures préventives. Le risque d’une déflagration dans une zone soumise à de violentes tensions ne permet certainement pas d’adopter des solutions empiriques qu’on abandonne quand elles ne marchent pas et que l’on change au gré du vent.

RICHARD LISCIA

PS-Les attaques iraniennes contre deux bases américaines n’ont pas fait de victimes. Trump annonce de nouvelles sanctions au lieu de se résoudre à négocier.

 

 

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Une réponse à Iran : l’engrenage

  1. admin dit :

    LL dit :
    Je retiens le mot amateurisme qui définit le niveau de compétence du président américain (dans tous les domaines d’ailleurs).

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