Le spectre de la récession

Un président assiégé
(Photo AFP)

Le choc économique de l’épidémie de coronavirus va affaiblir la France durablement : pendant la période de confinement, la production baisse de 30 %, selon les statisticiens. Non seulement les gains de croissance prévus avant la crise seront laminés, mais le produit intérieur brut pourrait diminuer de 30 % au terme de l’année 2020.

CETTE probable récession ne sera due à aucun ralentissement naturel de l’économie mondiale, mais à l’épidémie. Elle concerne donc, avec des effets variables selon le degré de préparation des économies nationales, qu’ils soient atteints ou non par le Covid-19, l’ensemble du monde. La brusque chute des échanges  étendra ses effets négatifs dans les pays les moins touchés par l’épidémie. Certes, les mesures de financement exceptionnel adoptés par la plupart des gouvernements limiteront la récession, mais face au cataclysme, certains États, l’Allemagne par exemple, qui dispose d’excédents monétaires substantiels ou d’autres, comme la Corée du Sud et Singapour, qui résistent infiniment mieux que l’Europe aux ravages humains du virus, sont beaucoup plus solides que les autres. En France, Emmanuel Macron, hier soir à Mulhouse, a annoncé de nouvelles mesures : renforcement du confinement, appel aux désœuvrés pour qu’ils participent aux récoltes de printemps (il faut 200 000 personnes, 40 000 ont annoncé leur disponibilité), investissements tous azimuts dans l’hôpital, confirmation de la prise en charge par l’État des salariés contraints au chômage technique, appel aux forces armées pour qu’elles travaillent en collaboration avec les hôpitaux, l’installation d’un hôpital de campagne à Mulhouse étant le premier stade de cette évolution.

Le pouvoir en première ligne.

Il ne fait aucun doute que des pans entiers du système de soins français n’ont pas apporté une réponse efficace à l’épidémie, par exemple les Ehpad transformés en mouroirs par l’indigence des mesures, l’épuisement des personnels hospitaliers, l’absence de masques réclamés par tous et qui n’est que trop lentement comblée. Le président de la République se contente d’annoncer de puissants efforts financiers pour rassurer médecins et infirmiers à bout de souffle. L’enjeu est clair : il faut faire en sorte que les lits de réanimation (5 000 en France contre 25 000 en Allemagne) ne manquent pas pour les cas qui s’aggravent. D’où le transport sanitaire vers le sud de malades graves issus du cluster de Mulhouse, provoqué, on le sait par une néfaste réunion évangéliste. Les médecins sont tous d’accord : le virus se propage parfois avec une virulence et une rapidité fulgurantes. Un gendarme, malade mais resté chez lui,  sans doute parce que son cas n’avait pas été jugé grave, est mort brusquement hier sans que les secours aient pu le sauver. Le gouvernement est en première ligne. Les sondages d’opinion émettent des courbes contradictoires : les Français font confiance au pouvoir et la popularité de M. Macron et d’Édouard Philippe a fait un bond de quelque 14 points. En revanche, ils critiquent ses mesures et ses insuffisances face à la violence de l’épidémie.

L’objectif numéro un.

Le nombre de décès (plus de 1 300 depuis le début de l’épidémie) reflète probablement le temps qui a été perdu au tout début du fléau. Nous sommes, mais à un degré moindre, dans le même bateau que l’Italie et l’Espagne. Les jugements quelque peu rapides, mais inévitables, sont inutiles, même si les partis de l’opposition veulent donner une suite judiciaire aux manquements du pouvoir. M. Macron a néanmoins compris que tous les efforts doivent porter sur la non saturation des hôpitaux, sur la limitation des cas graves et des décès, sur la nécessité absolue d’empêcher le virus de l’emporter sur les structures sanitaires françaises. C’est de la crainte d’un tel événement, indigne d’un pays industrialisé, que vient l’agitation publique. Il faut franchir ce cap avant que la courbe ne redescende. Après, il sera infiniment plus facile de soigner l’économie que de guérir tout un peuple.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Le spectre de la récession

  1. Laurent Liscia dit :

    5 000 en France … 25 000 en Allemagne. C’est la différence entre la vie et la mort. Les Chinois ont construit des hôpitaux entiers pour contenir la menace. Aux US, le système n’est pas prêt et on aura des chiffres de décès comparables à ceux de l’Italie.

  2. Tijac dit :

    La journaliste Françoise de Changy, correspondante à Hong Kong, a publié une lettre voici quelques jours.
    Elle expliquait que là-bas, tous le monde met des masques (souvent en tissu sur les photos). Cela permet d’éviter de contaminer les autres, si l’on devient porteur du virus.
    Grâce à ce protocole, le nombre de décès à Hong Kong, dus au covid 19, n’était que de quatre la semaine dernière. Bien sûr, il est trop tard pour appliquer cette méthode en France…mais elle devra être dans « la boîte à outils », pour la prochaine pandémie.

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