La dentelle sanitaire

Le Graal
(Photo AFP)

Le gouvernement se débat dans la pandémie en tentant de concilier le non-confinement généralisé et le coup d’arrêt au virus. Quand Emmanuel Macron a rejeté l’idée d’un troisième confinement, préconisé par son conseil scientifique, il a opté pour la croissance économique et le combat de rue contre le Covid.

EN RÉALITÉ, nous assistons à une course contre la montre. Le programme adopté par les pouvoirs publics repose sur une expansion rapide de la campagne vaccinale, avec la multiplication des vaccins proposés, un effort supplémentaire pour les zones particulièrement touchées, comme Nice, Dunkerque ou le Pas-de-Calais, une sorte de débat quelque peu surréaliste sur la pertinence de l’AstraZeneca et la mise en demeure des soignants pour qu’ils soient vaccinés. Le phénomène n’est pas nouveau : les virtuoses de l’aiguille n’ont pas toujours pour la vaccination une adhésion sans failles et, comme l’AstraZeneca a été momentanément interdit pour les plus de 75 ans, le soupçon continue à peser sur lui dans la population.

Le bout du tunnel.

La responsabilité de cette crise dans la crise ne saurait être attribuée au seul gouvernement. Il est victime d’une impéritie européenne à propos d’un problème dont on nous a assez répété qu’il ne relevait pas de la compétence européenne pour que l’Union soit accusée de la lenteur de la campagne. Un observateur, du genre de Zadig, observerait la scène française qu’il se perdrait en conjectures à propos de ce pays si étrange et contradictoire où le scepticisme à l’égard d’une immunisation collective déclenche une bataille de tranchées, où nos bataillons ne conquièrent des portions de territoire que pour s’en laisser prendre par le virus. Nous apercevons la lumière au bout du tunnel parce que tous nos concitoyens qui le souhaitent finiront un jour par être vaccinés, mais la lumière est lointaine, si lointaine en vérité que la marche dans le tunnel est accablante, angoissante et désespérante.

Un fiasco européen.

Un achat massif de vaccins nous aurait offert quelque espoir. Si je le répète, c’est moins pour rejoindre  la meute anti-Macron que pour démontrer qu’il serait sans conséquences sur nos relations avec nos 26 partenaires européens et avec la Commission de Bruxelles. On ne peut pas dire en effet que la discipline règne au sein de l’Union. L’Allemagne a fermé sa frontière mosellane sans discuter avec nous. L’Autriche et le Danemark concluent un accord de production des vaccins avec Israël. D’autres pays membres achètent le vaccin russe ou le vaccin chinois, qui ne sont pas homologués. Ce sont des actes de dernier recours parfaitement compréhensibles mais qui signalent un début de désagrégation européenne, au même titre que la dérive autoritaire en Pologne ou en Hongrie. C’est le sauve qui peut qui remplace l’action unitaire. Il est vrai que la Commission, en se protégeant derrière l’incompétence et en reconnaissant par ailleurs qu’elle a mal joué, a ouvert la voie au désordre.

L’exception qui confirme la règle.

Mais, dans ce cas, pourquoi les autorités françaises n’ont-elles pas tiré avantage de la pénurie pour procéder de façon autonome à un achat massif de vaccins, à l’ouverture de vaccinodromes un peu partout dans le pays (les doses disponibles se situent parfois à des dizaines de kilomètres des habitants), pourquoi a-t-il fallu un temps aussi long pour fournir médecins généralistes et pharmaciens, premier accès de la population au système sanitaire, pourquoi a-t-on obligé les vieux à se déplacer d’un département à l’autre, oui, pourquoi ? Pourquoi le président lui-même a-t-il interdit dans un premier temps l’administration d’AstraZeneca aux plus de 75 ans pour changer d’avis une fois que ce vaccin a été validé par l’Agence européenne de santé ?

Si on prend ses distances avec cette crise aigüe et compliquée, tenace et d’une durée interminable, on voit bien que ne sont pas en question les intentions de tous, gouvernement, autorités de santé, soignants et soignés. L’indiscipline partielle de la population ne reflète que l’immense fatigue des confinements et le fait, puissant, que, quand on n’a pas attrapé le Covid, on est en pleine forme et on veut vivre. Et cette indiscipline n’est que l’exception qui confirme la règle. Je ne crois pas qu’Emmanuel Macron ait eu tort de refuser un troisième confinement parce que, si l’année 2020 a été celle du quoi qu’il en coûte, l’année 2021, dans tous les esprits, devait être celle du rebond de la croissance et de l’emploi. Pour notre désagrément, elle aura été en fait celle d’une médiocre croissance et d’une crise sanitaire loin d’être résolue.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à La dentelle sanitaire

  1. Laurent Liscia dit :

    L’année n’est pas finie, dans un sens ou dans l’autre. On s’étonne aussi de la « découverte » faite par les marchés que l’endettement public suite au COVID augmente les liquidités disponibles et présage un retour de l’inflation. Une légère remontée des taux, et un petit peu d’inflation, on ne voit rien de mal à tout ça. L’économie américaine est déjà de retour et elle entraînera sans nul doute avec elle le reste de l’économie mondiale. Le boom annoncé aura lieu, un peu plus tard en Europe. En attendant, les vaccins se feront très necessairement plus abondants. Un troisième confinement aurait été insupportable. Espérons que la course contre la montre entre variants et immunité se resolve au détriment du virus. Et qu’il y aura un sérieux post-mortem sur la logistique vaccinale. A mon sens, il faudra se vacciner chaque année contre le COVID comme on le fait contre la grippe, ce qui pose un défi industriel et présente une opportunité d’innovation et de croissance en biotech.

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