La dédramatisation

Macron hier
(Photo AFP)

En 24 minutes, Emmanuel Macron a annoncé diverses mesures nouvelles, mais moins drastiques que prévu, qui lui permettent de se tenir à l’écart de toute auto-flagellation. Il s’est contenté de reconnaître que son gouvernement a commis des erreurs mais que, grâce à l’expérience, il s’est amélioré.

LA MESURE la plus importante, c’est la fermeture des écoles et lycées pendant quatre semaines, ce qui est diamétralement opposé au credo du pouvoir, à savoir qu’elles devaient rester ouvertes. L’extension des mesures de restriction précédentes a été étendue à l’ensemble du territoire. Les déplacements seront limités à 10 kilomètres, avec de possibles dérogations. Ces décisions ne seront ni trop contraignantes ni suivies d’effets spectaculaires. Olivier Véran, le ministre de la Santé a déjà annoncé que le pic de la pandémie serait atteint dans les jours qui suivent. Le gouvernement a préféré peaufiner son dispositif à un chamboulement complet de la façon dont nous vivons aujourd’hui. D’aucuns l’en remercieront, d’autres le critiqueront. Mais dans tout ce qui a été décidé depuis le début de l’année, il est clair que les pouvoirs publics comptent essentiellement sur la vaccination, celle qui a fait des miracles en Israël, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, mais dont l’OMS a cru bon de dire qu’elle est trop lente en Europe.

Cinq mille lits supplémentaires. 

Le président de la République est un bon orateur. Ses discours rassemblent une vaste audience. Il a une politique anti-virus affirmée, née, au fond, d’un début de remise en cause du principe de précaution. On l’a accusé à plusieurs reprises depuis janvier de prendre des paris risqués et on n’est pas loin de dire qu’il « a tué des gens », ce qui revient à lui faire un ignoble procès. Il ne s’est pas prononcé sur le report de nombreuses opérations dans les hôpitaux, mais a indiqué que grâce au rappel des soignants, médecins et infirmiers retraités, la France serait capable d’ouvrir quelque cinq mille lits de réanimation supplémentaires. Le transport de malades graves d’une région à l’autre deviendra obligatoire alors qu’il fallait auparavant le consentement des familles. Bref, pour la période qui nous sépare d’une campagne vaccinale plus large, le combat contre le virus se fera au corps-à-corps et non au moyen d’une bombe atomique.

Contre la bureaucratie et la médecine.

L’appel à la bonne volonté de tous les Français, la modestie du propos, la réponse aux questions que soulève la stratégie présidentielle, il y avait tout cela dans le discours.  M. Macron n’a pas laissé transparaître le souci que lui causent des attaques multiples, incessantes et venimeuses. Mais il a tout fait pour mettre un terme à la déprime des Français. Il a en quelque sorte juré qu’il n’abandonnera à son sort aucun de ses concitoyens. Les soignants résisteront, les lits de réanimation se multiplieront et enfin des millions de doses de vaccin arriveront en France en avril. Le président ne s’est pas seulement heurté à la bonne guéguerre de mots avec l’opposition. Il a dû se colleter la procrastination d’une bureaucratie tentaculaire qui ne croit jamais que les ordres du président l’engagent et d’un conseil scientifique qui s’est dressé contre sa décision de ne pas confiner en janvier dernier. Là-dessus, une centaine de médecins publient une tribune pour dénoncer la politique anti-pandémie du président et réclament un reconfinement total, avec des mots qui, s’ils avaient été lus par la France entière, l’auraient plongée dans l’épouvante. « Diffamez, diffamez, il en restera toujours quelque chose ».

Introuvable unité nationale.

La vérité est qu’il existe un État sanitaire dans l’État, donc un pouvoir parallèle dont la loyauté à l’Élysée n’est pas acquise ; qu’il y a un chemin secret et pervers pour dire du mal du pouvoir, y compris dans la majorité. Des ministres préférant l’anonymat à la sincérité et au risque émaillent de leurs propos les articles des journaux décrivant une réalité plus tragique qu’elle ne l’est en réalité. Des opposants, découvrant que même les amis du chef de l’État se montrent sceptiques, redoublent leurs assauts contre Macron. Dans la lenteur des rouages de la bureaucratie, dans la perversité politique des attaques, dans la permanence d’une crise où l’inquiétude est logique mais la panique excessive, Macron, si on l’écoute, est rassurant. Il mesure aujourd’hui sa solitude, car, même au sein du pouvoir, il n’a pas que des amis. Certes, le risque immense de chacun des choix du président explique que des conflits apparaissent de toutes parts chez les médecins, chez les enseignants, dans les oppositions, dans la majorité. Macron fait appel à tous les Français pour qu’ils respectent les gestes barrières. Il parle d’unité nationale. L’un des effets indésirables de la pandémie, c’est l’indiscipline des Français et des corps constitués.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à La dédramatisation

  1. Doriel Pebin dit :

    Merci pour votre analyse pertinente. L’esprit collectif n’existe plus en France. Pour beaucoup, l’objectif premier n’est pas que la France s’en sorte mais que Macron se casse la figure ! Cela est triste et de mauvaise augure pour la France compte tenu des propos tenus par plusieurs candidats à la présidence marqués par une critique permanente versus une pauvreté, sinon une absence de contre-propositions ! Ces candidats sont d’ailleurs fous ou inconscients…ou aveuglés par leur ego. Bon courage à celui ou celle qui sera le prochain président(e) compte tenu de la situation économique et qu’il ou elle sera confronté(e) à nouveau à un tir de barrage systématique de la part des opposants (25% maximum au premier tour pour le meilleur candidat = retour de bâtons). Continuez à dénoncer cette absence de civisme collectif et cette perte de sens.

  2. Laurent Liscia dit :

    On se souvient sans doute de la célébrissime phrase prononcée par JFK (en contradiction avec ses frasques privées, certes, mains ne nous égarons pas): “Ask not what your country can do for you – ask what you can do for your country”. « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous pouvez faire pour votre pays. » L’indiscipline consciente peut avoir du bon, comme nous l’enseigne Gandhi. Mais râler pour râler … Ce mal francais est d’autant plus consternant que la France est l’un des plus beaux pays de la planète et l’une de ses démocraties les plus respectables. Elle réunit toutes les conditions du succès social et économique. Il y a de l’indigence en France, et c’est inacceptable. Il y aussi un filet social sans equivalent. Commençons par reconnaître ces acquis extraordinaires.

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