La scission de la droite

Renaud Muselier
(Photo AFP)

C’est à dessein que Jean Castex, Premier ministre, a annoncé un accord entre la République en marche (REM) et le président LR de la région Paca, Renaud Muselier, pour que la REM retire sa liste et vote LR. Ce cadeau apparent a été dénoncé par les caciques des Républicains, écartelés entre la tentation lepéniste et la connivence avec la REM.

AU DÉPART, c’est une question d’affinités. Idéologiquement, M. Muselier est Macron-compatible et il n’est pas le seul à se trouver dans cette disposition au sein de LR. Mais à peine l’accord a-t-il été annoncé par M. Castex qu’il sciait la droite classique entre pro-Macron et anti-Macron. Le problème posé à LR par le président de la République date de quatre ans. La droite pense que, en 2017, il lui a littéralement « volé » la victoire, oubliant un peu vite que les problèmes judiciaires de François Fillon avaient affaibli sa candidature. Le candidat LR avait néanmoins rassemblé presque 20 % des suffrages, ce qui, par rapport aux casseroles qu’il traînait, constituait un exploit. Mais, s’il avait été élu, aurait-il pu continuer à gouverner ?

Pour le Front républicain.

L’électorat qui a déserté LR est certes allé chez la REM. Mais il est allé aussi vers le Rassemblement national. La vérité est pourtant simple, même si elle est écartée d’une pichenette par les ténors des Républicains : si on ne renforce pas Macron, c’est Marine Le Pen qui sera élue et non le candidat toujours pas désigné des LR. À lui seul, M. Muselier tente de reconstituer le Front républicain, cette sorte de mur électoral qui renforcerait le plafond de verre que Marine Le Pen ne parvient toujours pas à crever. Depuis quatre ans, LR désigne son ennemi, Emmanuel Macron, alors qu’il est aussi et surtout menacé par Marine Le Pen, vers qui certains LR et pas des moindres se sont déplacés et qui est devenue si crédible et si respectable dans le champ politique que personne n’a plus honte de lui apporter sa voix.

Ce n’est pas une fatalité.

Une ou d’autres régions pourraient suivre M. Muselier dans son sillage, les consignes de parti ayant peu d’influence sur les ambitions des présidents de région et encore moins sur des électeurs qui, s’ils ne peuvent pas exprimer leur choix librement, renforceront l’abstention. La cassure de LR n’est pas un séisme, elle n’échappe pas aux volontés humaines, elle n’est pas une fatalité. Depuis quatre ans, la scie de la division écarte les deux camps idéologiques qui composent le parti : ceux qui considèrent le RN comme un parti fréquentable  et ceux qui savent que Marine Le Pen poursuit une conquête qu’elle juge inéluctable pour autant qu’elle ne soit pas freinée par des démocrates de cœur. Le macronisme, qu’on le haïsse ou qu’on le vénère, a changé durablement le paysage politique. Il est parfaitement exact que le partage entre gauche et droite a été remplacé par un partage entre extrême droite et extrême gauche. Il est tout aussi exact que l’électorat de gauche (Verts compris) ne représente plus que 35 % de l’électorat, qu’il existe une forte majorité de droite, capable de s’exprimer et de gouverner si elle largue toute amarre avec le RN.

Politique de Gribouille.

Le choix ainsi offert aux Républicains est donc très clair : ou bien, ils s’allient à Macron et écartent durablement la menace de l’autoritarisme ; ou bien ils se ruent vers l’enfer néo-fasciste, avec le très faible espoir de gagner une partie où leurs atouts sont minces. Les dirigeants de LR, les Christian Jacob, Damien Abad, Gérard Larcher, Bruno Retailleau se sont prononcés pour la deuxième hypothèse, mais rien ne prouve qu’ils représentent la majorité, pas plus qu’en cédant aux sirènes lepénistes ils ne font preuve d’imagination. La voie qui leur est offerte est étroite mais, en dépit des divisions de LR, c’est un parti bien implanté sur le territoire et qui doit sauver son honneur. Pour le moment, il en est à la politique de Gribouille : ill saute dans le lac RN pour échapper à la pluie. Est-ce bien raisonnable ?

Ce qu’il reste de gaullisme.

Enfin, la confusion entre les régionales et la présidentielle traduit principalement un désarroi effrayant. Le candidat de LR à la présidence ne risque pas d’être attiré par RN ; il devra, quoi qu’on en dise, exposer un programme digne des compétences de LR en matière d’économie, de finances et d’environnement. Il ne suffira pas de dresser un bilan cataclysmique du mandat de Macron, ça, Marine Le Pen sait le faire ; il faudra apporter un espoir qui ne peut être réduit au ralliement au RN, parti qui se situe sur un lieu idéologique diamétralement opposé à ce qu’il reste de gaullisme au sein de LR. Il est temps que les Républicains fassent un retour aux sources et se souviennent de ce qui fait d’eux un parti de gouvernement et pas celui de la subversion.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La scission de la droite

  1. Num dit :

    Sondage du jour : + 6 pour Mariani depuis cet épisode qui est maintenant en tête au second tour en PACA et donc en position de gagner la région.
    Pas sûr que l’alliance LR-LREM et les petits arrangements entre Castex et Muselier soit le moyen le plus efficace de combattre le RN.
    Réponse
    Il y a maintenant un accord entre la liste REM et la liste LR.
    R. L.

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