Biden fait de la résistance

Joe Biden hier
(Photo AFP)

Pour le moment, Joe Biden, s’en tient à la date du 31 août, soit dans six jours seulement, pour la fin des opérations d’exfiltration des étrangers et des Afghans qui devaient quitter l’Afghanistan. Il semble céder aux talibans, mais surtout il refuse la prolongation d’une opération à la fois compliquée et dangereuse.

LE PRÉDÉCESSEUR de Biden, Donald Trump, avait prévu la fin de l’évacuation des forces américaines d’Afghanistan pour le mois de février 2021. Le président actuel a compris que le délai était trop court, il a donc décidé de le prolonger jusqu’au 31 août. Pour le moment, il ne voit pas la nécessité de changer de date, alors que la crise atteint son apogée et que la sécurité de l’aéroport de Kaboul est menacée. Pendant les six jours à venir, les opérations seront risquées. C’est ce qu’il a dit hier à ses partenaires occidentaux lors du sommet virtuel des alliés, voulu et animé par Boris Johnson, Premier ministre britannique, ce qui a été l’occasion de tester la solidarité américano-britannique, que M. Johnson a toujours présentée comme un remède au Brexit. Il n’en est rien.

Biden a le temps.

Certes, les Européens se plaignent de ce que le président des États-Unis n’en fasse qu’à sa tête. Et, assurément, les videos montrant la panique de la foule agrippée aux avions juste avant le décollage a choqué les citoyens américains, favorables à l’évacuation mais pas à une débandade qualifiée de honteuse, principalement par les mouches du coche. M. Biden s’en tient au sang-froid, celui qui lui a permis d’être élu président en dépit de tous les mensonges et les diffamations prononcées pendant une campagne électorale dont Trump continue d’affirmer qu’il l’a gagnée. Il reste que Biden a le temps de se refaire une santé politique avant les élections de mi-mandat, en novembre 2022. En outre, il ne faut pas sombrer dans le dénigrement systématique : à ce jour, plus de 70 000 étrangers et Afghans ont quitté l’Afghanistan grâce à un pont aérien plus colossal que celui de Berlin pendant le début de la guerre froide.

Le grand tournant.

Il ne fait aucun doute que, si Biden s’efforce de s’en tenir à la date du 31 août, c’est parce qu’il ne veut pas contribuer à un exode massif des Afghans. Il y a dans sa réserve ce qu’il y avait dans les propos d’Emmanuel Macron quand celui-ci a tenté d’écarter le risque de « flux migratoires » excessifs. Ces mots lui ont valu une volée de bois vert dans les milieux favorables à une France terre d’accueil, mais, s’ils manquaient de générosité, ils avaient peut-être le mérite du réalisme. De ce point de vue, M. Biden ne court aucun risque : les Américains sont hostiles, dans leur grande majorité, à l’immigration, qu’elle soit légale ou clandestine. Bien entendu, l’épisode afghan est l’arbre qui cache la forêt, c’est-à-dire le grand tournant de la diplomatie américaine qui s’écarte du Proche-Orient pour se concentrer davantage sur l’Extrême-Orient et la nécessité pour les États-Unis de protéger les pays menacés par l’hégémonie chinoise, de Taïwan à l’Australie en passant par les Philippines.

Une question de crédibilité.

Ce qui explique les difficultés au sein de l’OTAN, c’est que les intérêts des États-Unis et ceux de l’Union européenne ne sont pas les mêmes. La crise est sourde, presque silencieuse, mais très sérieuse : la question se pose en effet de la crédibilité des États-Unis face aux divers dangers venus de Moscou, de Pékin, de Téhéran et d’Ankara. Il y a déjà eu le précédent des Kurdes, lâchés par Trump en rase campagne quand la Turquie a envahi le nord de la Syrie. Déjà Obama avait renoncé à bombarder les forces de Bachar Al Assad, qui venaient de franchir la ligne rouge, l’usage des armes chimiques. Depuis plus de dix ans, toute la diplomatie américaine est engagée dans ce changement de paradigme, au point que les alliés les plus proches de Washington, du Royaume-Uni à Israël, mais aussi l’Ukraine, la Pologne et les États baltes, se demandent si l’Amérique volera à leur secours en cas de grand danger.

Aide-toi…

La leçon que les démocraties parlementaires doivent tirer du fait accompli américain, c’est qu’elles n’ont pas le choix : elles doivent assurer elles-mêmes leur sécurité. L’Europe en a les moyens. Elle compte deux puissances nucléaires et des armées, comme celle de la France, sur-entraînées grâce au combat contre les forces terroristes. Aide-toi, le ciel t’aidera. Les États-Unis s’engageront auprès de leurs alliés si ceux-ci commencent à céder à la terrible pression des dictatures ou démocratures. Le risque d’une invasion de l’Europe serait alors plus grave qu’une attaque chinoise contre Taïwan.

RICHARD LISCIA

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