Mélenchon, Premier ministre

 

Un projet de cohabitation
(Photo AFP)

Les idées qui fusent de toutes parts avant le second tour de l’élection présidentielle peuvent surprendre, mais au prix de leur crédibilité. Jean-Luc Mélenchon demande aux Français de « l’élire » Premier ministre.

LE CHEF  de la France insoumise s’appuie sur son score remarquable au premier tour (22 %) qui a failli le qualifier pour le second. Dans les deux camps, celui de Macron et celui de Le Pen, on attend les suffrages de l’extrême gauche, qui se répartiront en gros en trois tiers, un pour Macron, un pour l’abstention et un pour Marine Le Pen. Il n’y a pas là de quoi espérer le renforcement d’un candidat par rapport à l’autre. De sorte que l’influence de Mélenchon sera très limitée, même s’il représente un parti puissant. Ce qui ne l’empêche pas de croire au « troisième » tour, celui des élections législatives où il faut admettre que la recherche d’une majorité présidentielle sera difficile, pour Emmanuel Macron ou pour Marine Le Pen.

L’idée de troisième tour est valable.

Les sondages d’opinion d’entre les deux tours montrent une lente mais inexorable progression du président sortant. Elle ne doit pas être une bonne raison pour ne pas aller aux urnes. Plus l’écart sera grand avec le Rassemblement national, moins cette formation pourra influencer la politique en France. Mais la notion de troisième tour n’est pas invraisemblable. M. Macron doit réunir non seulement son ancienne majorité, celle qui lui a permis de gouverner, mais tous les démocrates du centre, de droite et même de gauche qu’épouvantent les méthodes de l’extrême droite et de l’extrême gauche. Nombre de soutiens au président se sont acharnés, ces derniers temps, à décrire Marine Le Pen sous ses traits réels ; c’est seulement une partie du travail. Ils doivent maintenant démontrer aux électeurs que M. Mélenchon ne représente pas une bonne affaire, qu’il veut, lui aussi, mais encore plus clairement, changer de République, réunir une Assemblée constituante, récrire la Constitution et prendre ses distances avec l’OTAN et avec l’Europe.

LFI, RN, même combat.

Il n’est pas indifférent que ses électeurs de LFI soient prêts à voter Le Pen dimanche prochain. C’est la preuve absolue des affinités entre les extrêmes, dont les idées vaseuses se rejoignent. Et le constat est consternant : près de 55 % des électeurs sont prêts à mettre à mort la Vè République et à faire de la France un pays « illibéral ». Cet appétit pour l’ordre, pour la sévérité, pour une autorité libre de s’exercer sans en répondre devant le droit raconte la fragilité des démocraties, notamment la nôtre, une des plus grandes. Dans ces conditions, les macronistes ont-ils une chance d’obtenir une majorité ? M. Mélenchon, en tout cas, n’a sûrement pas tort de se demander ce qu’il peut faire avec son score du premier tour. L’idée lui est donc venue qu’il peut y avoir une autre majorité si on insiste sur ce qui unit l’extrême gauche à l’extrême droite, sans trop se soucier de leurs différences.

Le nouveau rêve de Mélenchon.

C’est un calcul qui vaut ce qu’il vaut, mais c’est surtout un danger pour la société française. La course à la stabilité politique est tout simplement épuisante. Pour Macron, il s’agit de battre Le Pen, puis de faire élire une majorité à l’Assemblée qui ne soit pas celle que souhaite Mélenchon, lequel a désormais l’influence qu’il n’a pas acquise en 2017 (il avait alors remporté près de 20 % des suffrages). Cependant, des centristes, des gens de gauche, la droite non LR dont le chef est l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, pourraient accourir en nombre assez élevé pour priver M. Mélenchon de son rêve, la cohabitation. Où que l’on regarde, on ne voit que des personnages voués à démolir les institutions et déstabiliser le pays. Cette dérive vient de la haine que M. Macron continue de soulever chez des opposants professionnels qui, tout en dénonçant ses idées, le détestent pour la simple raison que tout, ou presque, lui réussit.

Ce n’est pas Macron qui nous intéresse.

Le président sortant ne sortira pas. Sa meilleure carte, c’est l’immense illusion créée par ces marionnettistes que sont Mélenchon et Le Pen. Le mensonge permanent est là qui crève les yeux, qui suffoque les esprits, qui devient insupportable. Ce n’est pas Macron qui nous intéresse, c’est ce qu’il représente, la dignité du pays face à un risque d’abaissement prolongé et mortel. Ce n’est sûrement pas le culte de la personnalité qui nous inspire, c’est ce vent mauvais né de l’exagération, de l’excès, de la démagogie, du populisme et qui, soudain, est apparu comme une alternative à la démocratie pure et simple. Oui, ils nous ont démontré combien cette démocratie est fragile, mais aussi combien elle est précieuse.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Mélenchon, Premier ministre

  1. Laurent Liscia dit :

    Mélenchon nous en apprend tous les jours. Je peux donc élire un Premier ministre ? Je comprends enfin de qui Jean-Luc est le noble descendant : Robespierre. Nous sommes coincés entre les rejetons de Pétain et ceux de la Terreur.

  2. Doriel Pebin dit :

    Bonne remarque. M. Mélenchon, en bon populiste, veut nous faire croire qu’avec 20 % des suffrages (soit environ 15 % des électeurs potentiels), il a une entière légitimité pour gouverner la France (Premier ministre autoproclamé). C’est au minimum, une confusion sinon une vraie manipulation aggravée d’un mensonge antidémocratique. Ainsi, une partie du soi-disant peuple aurait toute légitimité pour représenter toute la nation en imposant sa vision ? La réalité est qu’il s’agit d’une ‘ »Destitution du peuple » titre d’un remarquable livre de Jean-Claude Milner, à lire pour les esprits baignant dans la sphère de l’émotionnel (et les autres bien sûr).

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