Le mal est fait

Laurent Berger, président ?
(Photo AFP)

Pour la réforme des régimes de retraite, il n’existe pas de voie conduisant à une solution négociée. Si les manifestations et les grèves se sont déroulées dans le calme, il n’en est pas de même à l’Assemblée nationale où les partis de l’opposition rivalisent dans la provocation et donnent de la France une image abimée qu’il sera difficile de réparer. 

LE MALAISE vient principalement de l’irrédentisme de la France insoumise qui tranche avec le calme et la patience du Rassemblement national. Aussi acharnés qu’ils soient contre la réforme, les Français jugent négativement leurs élus auxquels ils reprochent les diverses techniques d’obstruction et le chaos en cours : majorité fragile qui n’est pas sûre de voter come un seul homme, surenchère de LFI et du RN, qui parlent, contre toute logique, de retraite à 60 ans, ébriété apparente de LR qui ne parvient pas à obtenir la totalité des suffrages pour accorder la réforme au pouvoir.

Pompier sans eau.

Emmanuel Macron est un pompier sans eau. Il est incapable de réduire l’incendie. L’arithmétique ne renforce guère la confiance du gouvernement, qui va vers le casse-pipe. Il ne reste plus que deux solutions, plus dangereuses que le mal lui-même : le recours à l’article 49/3 de la Constitution ou la dissolution de l’Assemblée nationale et des élections anticipées, sans compter la possibilité d’une cohabitation qui serait peut-être la moins désastreuse. Élisabeth Borne aura fait tout son possible, face à des syndicats goguenards, pour éviter le 49/3, pour faire qu’à l’illégitimité que les partis d’opposition dénoncent dans la réforme ne s’ajoute pas celle d’un recours au 49/3, qui est une nouvelle forme d’autorité et qu’elle a juré de ne pas utiliser.

Mauvais choix.

De sorte que le président de la République n’a le choix qu’entre de graves inconvénients. Renoncer à la réforme le priverait prématurément de son mandat ; le 49/3 serait, cette fois, assimilé à un coup de force anti-démocratique ; la dissolution serait sanctionnée par le suffrage universel. Encore que rien ne soit certain. On ne sait rien des intentions de M. Macron, mais on sait vers quel audacieux remède il serait tenté de se diriger.

Il a administré la preuve que la majorité relative bloque le pays, que les Français, après l’avoir réélu, ne lui ont pas donné les instruments indispensables à une forme de gouvernance qu’il n’a jamais cachée. Il procèderait donc à des élections anticipées pour obtenir une majorité absolue qui l’abriterait contre toutes les combinazioni  essayées par l’opposition.

Un saut vers l’infini.

La dissolution, c’est un saut vers l’infini. Si Macron gagne, il est libre. S’il perd, rien ne nous empêche de penser qu’il se présentera à un troisième mandat dès lors qu’il n’aura pas fini le deuxième. D’évoquer ces hypothèses donne le vertige. D’autant que le contexte est chaotique, que chaque choix institutionnel est une chance pour l’opposition de paralyser Macron un peu plus.

Un suicide.

Remarquez que LFI et et le RN sont moins hostiles au 49/3 parce qu’il leur offre un champ de bataille. Ils sont, en revanche, terrorisés par la dissolution parce que personne ne sait si les Français veulent un Macron dompté ou pas de Macron du tout. Ils ne sont pas sûrs de retrouver leurs billes, c’est-à-dire leurs sièges, ils craignent que le peuple comprenne enfin qu’il faut donner à un président sa majorité et, dans ce cas, qu’ils ignorent les challengers très agités qui hurlent sur le passage du président.

Le principe de la réforme est sacré si l’on estime que le pays doit retrouver sa dignité budgétaire. Il n’est pas surprenant que le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, se plaigne des convulsions parlementaires, qu’il les compare au calme de la rue, qu’il ne croit pas que le pays doive se suicider pour un différend de ce genre. Tôt ou tard, M. Berger sera celui qui réclamera le retour à l’ordre. On voit en lui un futur président.

RICHARD LISCIA

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