CETTE CONFUSION, si grave qu’elle a presque occulté la victoire de François Fillon à la primaire de la droite, était-elle bien nécessaire ? Elle ne résulte que de l’impatience du Premier ministre qui, semble-t-il, ne veut pas attendre que le chef de l’État se décide à dire s’il brigue un second mandat. La malaise politique créé par M. Valls est profond mais, paradoxalement, le remède trouvé par le président a été innocent et simple : une bonne conversation devant un non moins bon repas. Dans cet étrange tour de passe-passe, on retrouvera la désinvolture de François Hollande, qui semble traiter les crises en père de famille, et une forme de cyclothymie chez le chef du gouvernement, alternativement soumis à une tension qu’il nourrit sans cesse de propos certes courageux mais provocateurs, puis adepte du discours le plus convenu : il ne va sûrement pas déclencher une crise au sommet de l’État, il ne démissionnera pas, il est infiniment respectueux de la stabilité des institutions et, comme toujours, sa loyauté pour M. Hollande restera exemplaire.
Quel genre d’accord ?
Qui peut croire ce boniment ? Comment les propos tenus lundi par M. Valls étaient-ils compatibles avec ceux de la veille ? Pourquoi avoir plongé le microcosme dans le plus grand désarroi pour ensuite lui administrer un anesthésique ? La vérité se situe certainement dans ce qui n’a pas été dit ou dans ce qui a été convenu entre les deux hommes. En voyage en Tunisie, M. Valls a mystérieusement déclaré qu’il y avait d’autres voies que la primaire. Cela signifie-t-il que M. Hollande a autorisé le Premier ministre à se présenter à la présidentielle si lui-même était battu à la primaire socialiste ? Dans le mystère de ces déclarations et comportements, on trouvera quand même une quasi-certitude : le président a bel et bien l’intention de se présenter, et il passera par la primaire parce qu’il a naguère donné son accord pour qu’elle soit organisée, renonçant ainsi à la notion de « candidat naturel ».
Hollande gagne du temps.
M. Hollande avait fait annoncer dans la matinée d’hier, par son porte-parole Stéphane Le Foll, qu’il n’y aurait pas de primaire où seraient concurrents le président et le Premier ministre. Comme d’habitude, le chef de l’État s’emploie à gagner du temps dans une conjoncture totalement négative pour lui. Sa cote de popularité est trop basse actuellement pour lui permettre d’espérer une victoire. Il n’est même pas sûr de se qualifier pour le second tour de la primaire, compte tenu du nombre de candidats et de l’éparpillement des suffrages que montrent les sondages d’opinion. Il est probable qu’une candidature de M. Valls à la primaire aurait achevé ce qu’il lui reste d’espoir. Mais il ne renonce pas, pour autant qu’on puisse le déduire de ce que l’on voit et de ce qui se trame. Quelques-uns d’entre nous ont peut-être trop vite décelé une crise de régime mais, même si le président a réussi à donner un coup d’arrêt au délitement de l’exécutif, il n’a pas empêché une pantalonnade qui réduit encore un peu plus la crédibilité du pouvoir.
Il est même surprenant que Manuel Valls, qui n’a pas les faiblesses du président, se soit ainsi lancé dans un vaudeville qui ébrèche la carapace de sérieux dont il souhaite se prévaloir. Ce n’est pas le Premier ministre qui accepte toutes les avanies, ne se fâche jamais quand son autorité est remise en cause ou supporte les quolibets d’une presse cruelle. Quelque chose, qui a le nom d’ambition, l’a fait déraper. Si demain il se présente, il devra compter sur l’amnésie des électeurs.
RICHARD LISCIA