Le nouveau choix de Hollande

 

Le séminaire du 6 mai
(Photo AFP)

On ne saurait tirer un trait de plume sur les dispositions annoncées ou adoptées par le gouvernement depuis dimanche. Elles présentent un gros avantage : le pouvoir a pris la mesure de la crise et entend recourir à tous les moyens, y compris ceux auxquels il répugnait récemment encore, pour la combattre. Politiquement, sa démarche est néanmoins prudente : harcelé par l’extrême gauche, il tente encore de ne pas donner un nom idéologique au plan issu du séminaire gouvernemental d’hier.

NOUS NE RÉUSSIRONS jamais, dans ce pays, à remplacer par le pragmatisme tous les « ismes » issus de notre histoire et qui ont provoqué tant de conflits internes au sein des partis et entre les partis. Le Premier ministre essaie de donner une cohérence à un parcours politique pourtant jalonné par beaucoup d’hésitations, d’arrière-pensées, de couacs et de contradictions : l’adoption de ce qui ressemble bien à un plan de relance économique (pas tellement différent de celui de Nicolas Sarkozy) serait, si l’on en croit Jean-Marc Ayrault, dans la droite ligne de ce qui a été fait jusqu’à présent. En d’autres termes, après une vive hausse de la pression fiscale destinée à financer l’application des mesures proposées par le candidat Hollande, après un desserrement du carcan de la dette qui a reçu l’onction de la commission de Bruxelles, la France va investir, dans l’espoir, sans doute, de créer des emplois.

Quatre axes privilégiés.

La nécessité de lutter contre le chômage, y compris par des moyens inédits ou risqués, est tellement criante qu’il faudrait être borné pour ne pas l’encourager. Le gouvernement va agir sur quatre axes privilégiés : la transition énergétique, la santé, les grandes infrastructures, les nouvelles technologies, surtout le numérique, avec Internet à haut débit universel. On ne peut pas dire toutefois que les détails abondent, à commencer par le chiffrage : il est question d’une vingtaine de milliards, financés en partie par le vente d’actifs de l’État au sein de grandes sociétés comme EDF et EADS et par une réorientation (forcée?) de l’épargne. Moins que les 26 milliards de M. Sarkozy qui ne semblent pas avoir eu sur le chômage l’effet escompté. M. Ayrault eût été plus convaincant s’il nous avait dit exactement où il trouverait les fonds et à quelle tâche ils seraient affectés.

C’est sur l’efficacité des mesures qu’il faut débattre, pas sur le nom qu’on doit leur donner. Que croyez-vous qu’il arrivât ? Les décisions, annoncées lundi après la manifestation du Front de gauche et du PC, qui réclament un coup de barre à gauche, sont dénoncées comme une forme de « social-libéralisme », par opposition au socialisme ou à la  social-démocratie. Mais qu’est-ce que le choix des noms peut bien faire à ceux qui cherchent désespérément un emploi ? Non, ce qui compte aux yeux des détracteurs de gauche du gouvernement, c’est que leur « courant » risque de perdre pied, d’être noyé dans une conversion du PS au « social-capitalisme ». D’autant que la vente des actifs de l’État a une terrible connotation : c’est la fin des nationalisations, n’est-ce pas ? Ah! Quelle horreur!

François Hollande essaie de combiner une avancée timide vers les remèdes libéraux avec une mêlée politique où il est harcelé de toutes parts. Il lui faut se garder à gauche, à droite, au centre, continuer à prendre des mesures impopulaires malgré une cote en berne, éviter une explosion sociale que les discours incendiaires pourraient provoquer. Il lui faut des résultats. Au point où il en est, il serait bien inspiré s’il prenait le taureau par les cornes ; il le fait déjà en annonçant une nouvelle réforme des retraites qui, immanquablement et malgré toutes les promesses électorales, se traduira, d’une manière ou d’une autre, par un report de l’âge de départ à la retraite. Il doit continuer sur cette voie réformiste, et le faire au mépris des « ismes », des illuminés innombrables que la crise a enfantés, des préventions d’une gauche dont les idées habituelles ont pourtant été laminées par la crise. Le courage, c’est maintenant.

RICHARD LISCIA

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