Social : l’été meurtrier


Chez Doux, des grévistes
(Photo AFP)

La liste des entreprises en péril, la hausse de 0,8 % du chômage en juin, les limites du volontarisme d’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, font de cet été une brûlante traversée du désert pour ceux qui cherchent un emploi et ceux qui en ont un et craignent de le perdre.

LES LEADERS syndicaux de PSA continuent de tenir un discours d’une folle intransigeance : le groupe automobile, selon eux, dispose d’assez de réserves financières pour continuer à produire à perte dans les sites qu’il souhaite fermer. C’est peut-être du social affectif qui soulève une immense compassion, ce n’est pas de la bonne économie : des salariés perdront sans doute leur emploi, mais si la compagnie a de l’argent, il servira aux investissements qui lui permettront à terme de repartir du bon pied avec de nouveaux modèles et de souhaitables créations d’emplois. M. Montebourg, écartelé entre son tempérament, porté sur un lyrisme de révolté qui date un peu, et ses propres connaissances relatives au fonctionnement de l’économie de marché, cherche encore sa posture dans l’affaire. Il semble néanmoins que, au sujet de Doux, le producteur de volailles industrielles, le ministre ait réussi à convaincre le P-DG de l’entreprise, victime d’acquisitions aléatoires, notamment au Brésil, de sacrifier la domination qu’il exerce sur son groupe à l’intérêt des salariés et d’accepter enfin un repreneur.

Temps cruels.

On retient néanmoins que toutes les sages considérations sur d’inévitables licenciements n’empêchent en rien une colère populaire qui risque de prendre un tour plus agité à la rentrée, bien que la direction de PSA se soit engagée à examiner chaque cas individuellement et à éviter les suppressions de postes autant qu’elle le pourra. Il est significatif que M. Mercier, le leader CGT d’Aulnay, se montre aussi agressif à l’égard du gouvernement socialiste qu’il l’est à l’égard de Philippe Varin, le P-DG de PSA. Pour M. Montebourg, la boucle est bouclée : il lui était plus facile, dans l’opposition, de dénoncer la collusion du pouvoir de droite et des milieux d’affaires que d’assumer, au gouvernement, les malheurs qui s’abattent sur le pays sans distinguer la majorité de l’opposition. Temps cruels, pour les salariés jetés à la rue, et pour ceux qui avaient juré d’être plus cléments pour eux et se retrouvent impuissants, maintenant qu’ils disposent de tous les instruments de la gestion du pays.

On le leur avait bien dit. La persistance de la crise sociale, les racines qu’elle enfonce dans la crise mondiale et l’endettement général, le désarroi des entrepreneurs, par ailleurs incertains du sort fiscal que le gouvernement leur prépare, n’allaient pas disparaître parce que les Français ont fait le choix de l’alternance. François Hollande, il faut le reconnaître, n’a jamais minimisé l’impact de la crise, ni pensé qu’il l’apaiserait d’un coup de baguette magique. Malheureusement, il a énoncé des propositions qu’il a juré d’appliquer et qui ne sont pas nécessairement adaptées à la violence du coup de matraque subi par l’économie française et à la détérioration croissante de l’environnement  européen. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a amorcé son action par des dépenses nouvelles, par exemple à propos des retraites, dans un pays accablé par les déficits. L’obsession de la justice sociale obsède nos nouveaux dirigeants mais, comme chacun sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Si on veut satisfaire quelques revendications légitimes, on sacrifie l’avenir au présent. Aussi bien faudra-t-il quelque dix ans pour stabiliser la dette, éliminer les déficits et réindustrialiser la France, si tout va bien et si nos gouvernants ne commettent pas d’erreur. Non seulement nous avons un mauvais moment à passer, mais ce moment sera long.

RICHARD LISCIA

 

 

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