L’Europe des mots

 

Mario Draghi
(Photo AFP)

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a remporté un beau succès quand il a déclaré, jeudi, que tout serait entrepris pour sauver la zone euro et l’euro. Les marchés ont bondi, la monnaie unique s’est raffermie, comme si les acteurs boursiers n’attendaient que ce bol d’oxygène. La crise européenne est-elle pour autant réglée ?

LA PUSILLANIMITÉ des marchés n’a d’égale que la lenteur coupable des institutions européennes. Lors du dernier sommet de l’UE, les 28 et 29 juin, il avait été décidé d’accorder, directement aux banques espagnoles, un soutien de 100 milliards d’euros. À ce jour, elles n’en ont pas vu la couleur. Pourquoi ? Parce que les décisions prises par Angela Merkel devaient d’abord être entérinées par le Bundestag, ce qui est fait, mais aussi par la Cour suprême allemande de Karlsruhe, qui n’a pas examiné le dossier, est partie en vacances et ne se réunira qu’en septembre. Mais les dettes européennes, elles, continuent à courir et, pour faire face aux échéances de remboursement, les États doivent emprunter. En l’absence de garanties de la zone euro, les taux d’intérêt pour l’Espagne et l’Italie se sont de nouveau envolés, en dépit des efforts drastiques de ces deux pays pour réduire leurs déficits publics.

À plus de 7%, les emprunts deviennent insupportables. De sorte qu’on est entré dans un cercle vicieux : plus les taux montent, moins le pays peut emprunter, moins il est crédible sur le marché et plus il risque de faire banqueroute. Amère ironie : l’agence Moody’s a mis l’Allemagne sous « perspective négative », alors qu’elle emprunte à court terme à 0%.  Du coup, les Allemands trouvent toute l’affaire particulièrement injuste et dangereuse. Une dégradation de la note de l’Allemagne n’entraînera pas une hausse des taux pour elle. La note de la France a été abaissée et elle emprunte à des taux parfaitement supportables, qui n’ont d’ailleurs pas augmenté depuis que les socialistes sont au pouvoir.  Qu’est-ce que tout cela signifie ? Premièrement, que les décisions européennes doivent être appliquées de façon fulgurante et que, pour en accélérer le rythme, il faut donner au Mécanisme européen de soutien (MES) et à la BCE des outils d’intervention immédiats une fois qu’ils ont été approuvés par les gouvernements des 17 membres de la zone euro. Deuxièmement, que, si la réaffirmation des objectifs de l’Union, protection et renforcement de la monnaie unique, solidarité active des États les plus forts avec les États les plus faibles, est une bonne chose (on remerciera M. Draghi d’avoir accompli un geste utile), l’engagement européen doit être surtout soutenu par des décisions qui sont très rapidement appliquées.

La critique a changé d’axe.

Troisièmement, la question doit être posée du bien-fondé d’une stratégie de réduction des déficits qui rend exsangues les peuples européens. La critique a changé d’axe. Il y a quelques mois encore, les déficits étaient dénoncés comme une plaie. Aujourd’hui, on constate que, dès lors que tous les pays de la zone euro appliquent la même rigueur budgétaire, ils sombrent ensemble dans la récession et ne se donnent donc aucune chance de croître grâce à une accélération des échanges commerciaux. Un rapport de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), est paru aujourd’hui, qui indique que les dispositions adoptées par le gouvernement français pour rétablir l’équilibre budgétaire en 2017 sont trop ambitieuses, et qu’elles vont se traduire par un taux de chômage de 11% que nous n’avons jamais connu depuis la Deuxième guerre mondiale. C’est tout le sérieux, toute la rigueur, toute la dénonciation de l’irresponsabilité des États par la vertueuse Allemagne qui sont ainsi contestés.

On accordera au président de la République qu’il fut le premier à exiger que la sévérité budgétaire fût accompagnée par un « pacte de croissance » et que, sur ce point, il a fini par se faire entendre au sommet européen de la fin du mois de juin. Encore faut-il que les 120 milliards pour relancer les économies des Vingt-Sept financent au plus vite de nouveaux chantiers. Encore faut-il que l’Espagne et l’Italie, asphyxiées par la rigueur, obtiennent enfin des taux d’intérêt convenables. Encore faut-il que les signaux envoyés aux marchés ne soient pas seulement la magique parole de Mario Draghi, mais des actes.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à L’Europe des mots

  1. alfredo sorrentino dit :

    il faut pas se voiler la face les Etats unis et l’Angleterre ont peur d’une Europe unie et ironie ou coïncidence tous ces agences que ne font rien d’autre que de  » l’intox lobiistic  » sont Anglo saxone

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