SuperMario : la star des taux


Mario Draghi
(Photo AFP)

Le président de la Banque centrale européenne, l’Italien Mario Draghi, a accompli un tour de force en obtenant l’aval des banque centrales de la zone euro (sauf celui de la Bundesbank allemande) pour son plan qui consiste à accorder, de façon « illimitée », pour une durée comprise entre 1 et 3 ans, des prêts à taux bas pour les pays en difficulté, en particulier l’Espagne et l’Italie.

M. DRAGHI a procédé en deux temps. Au début de l’été, il a rappelé qu’il ferait tout pour préserver l’euro et qu’il en avait les moyens, ce qui a permis aux marchés de bondir de 10% en moyenne. Jeudi, il est passé des paroles aux actes. Il a annoncé son plan pour les emprunts d’État : la BCE interviendra sur les marchés des obligations chaque fois que le taux  d’intérêt proposé par le marché sera trop élevé, ce qui garantit à l’Espagne et l’Italie des taux modérés pour leurs emprunts à court terme (entre 1 et 3 ans). Les marchés boursiers ont gagné entre 2 et 4%.

L’exploit de Mario Draghi ne réside pas dans ses largesses soudaines, mais dans un montage juridique qui lui permet d’accorder ces prêts sans contrevenir aux statuts de la BCE, dont l’Allemagne ne cesse de répéter que rien dans ses statuts ne l’autorise à voler au secours des pays confrontés à des taux trop élevés. En limitant la durée des emprunts, en assortissant le plan de rappels à la discipline financière, il aura fini par convaincre la chancelière allemande, Angela Merkel, qu’il pouvait présenter son projet au vote des banques centrales. Par principe, la Bundesbank a voté non, mais en réalité, elle a laissé faire. Ajouté au Mécanisme européen de stabilité (MES), qui sera mis vigueur dès que l’Allemagne l’aura approuvé dans quelques jours, le plan Draghi donnera une bouffée d’oxygène à l’Espagne et l’Italie. Lesquelles n’ont pas démérité, puisqu’elles ont mis en place des mesures d’austérité draconiennes que Mme Merkel elle-même ne saurait désavouer, mais ont souffert d’une spéculation vouée à la destruction de l’euro.

Le diable est dans les détails.

Les applaudissements ne sont pas unanimes. Le diable étant dans les détails, de nombreux experts n’ont pas de mal à démontrer que le plan Draghi ne met pas fin à la crise et ne suffit pas à rompre le cercle vicieux de dettes qui sucent le sang des économies européennes. Vendredi matin, François Hollande a reconnu que les décisions de la BCE n’enlevaient rien à la nature exceptionnelle de l’effort que la France devra faire l’an prochain pour ramener son déficit budgétaire à 3%. On louera le réalisme de notre président, on sera moins enthousiaste au sujet d’un projet qui consistera à augmenter encore les impôts plutôt que de diminuer les dépenses pour réduire de 33 milliards (ou plus, selon le taux de croissance) les déficits publics.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que la zone euro, pour survivre, doit marcher sur deux axes, l’un qui est celui de l’urgence, l’autre à plus long terme. Dans l’urgence, M. Draghi propose des taux d’intérêt réduits qui éviteront à l’Italie et à l’Espagne de sombrer dans la dépression au moment où leurs politiques de rigueur détruisent la croissance ; à plus long terme, l’effort d’austérité doit être poursuivi, notamment par la réduction des dépenses. Mais le message envoyé par le président de la BCE est tonitruant, donc politique : il avertit la spéculation et les pays hostiles à l’euro que la monnaie unique survivra (elle reprend déjà des couleurs par rapport au dollar) et qu’il n’est plus question qu’un pays membre de la zone, Grèce comprise, puisse la quitter. Tous les calculs démontrent que la disparition de l’euro apporterait des calamités d’une gravité supérieure à ce que nous connaissons aujourd’hui. On peut certes imaginer plusieurs scénarios de descente aux enfers, mais on ne fera rien dans l’angoisse permanente. Il faut saluer un progrès quand il est accompli. Et le plan Draghi est un très grand progrès.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à SuperMario : la star des taux

  1. Adam Bouchareb dit :

    Vous avez raison Mr Liscia en disant qu’il s’agit d’un progrès de la part de la BCE d’avoir pu contourner le dogmatisme allemand, d’un autre côté il aurait été suicidaire de ne pas le faire et de se laisser manger tout crû par les marchés. Il faut aussi rappeller que Jean-Claude Trichet faisait la même chose en rachetant massivement mais « secretement » les obligations pourries de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal.
    Par contre ce que vous omettez dans votre chronique c’est de citer l’ensemble des contre-parties demandées par « Super »Mario, notamment en terme de fléxibilité du marché du travail.
    C’est d’autant plus choquant que Mr Draghi n’a aucune légitimité politique, et cela démontre la lachêté de nos politiques face aux marchés.
    Mr Draghi ancien de Goldman Sachs, il faut aussi le rappeller, n’a pas agi uniquement pour le bien être du peuple mais aussi pour permettre aux marchés de continuer à se nourrir sur le dos de la bête.

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