L’affaire Merah

À Toulouse, hier
(Photo AFP)

C’est une cérémonie très émouvante qui a eu lieu hier à l’école juive de Toulouse où François Hollande et Benjamin Netanyahou se sont rendus ensemble pour un hommage aux quatre personnes, dont trois enfants, qui y ont été assassinées par Mohamed Merah en mars dernier. En faisant de la lutte contre l’antisémitisme une cause nationale, le chef de l’État, une fois de plus, a rappelé à ses concitoyens leur enracinement laïc et républicain.

ON RETIENDRA avec satisfaction l’engagement du président de la République en faveur des Français juifs qui subissent, depuis les crimes hideux de Merah, une vague d’antisémitisme sans précédent, sur Internet notamment, comme si les assassinats commis par le terroriste avaient libéré la parole d’une fraction de la population animée par une haine tenace. Il ne suffit pas de s’indigner quand des gens font de Merah un héros qui aurait vengé les enfants de Gaza. Il faut combattre, par la parole et par les actes, y compris le seul cas de censure prévu par la loi, ce terrifiant amalgame. Et il faut que les musulmans de France prennent leur part dans ce combat.

La haine et son excuse.

François Hollande ne peut pas obliger l’islam institutionnel de France à prendre position, officiellement et de façon répétitive, contre le néo-antisémitisme. Mais il peut donner l’exemple et ne manque pas de le faire, en montrant que la haine des juifs qui prend pour excuse le conflit israélo-palestinien mine autant la société française que le vieil antisémitisme qui a donné lieu, en France et sous Pétain, aux lois d’exception. De ce point de vue, on est convaincu que le président, inspiré par Jaurès, Blum et Mendès, sait jouer son rôle. Dans leur inquiétude, les Français juifs doivent se féliciter qu’au président de droite qui les soutenait, eux et Israël, ait succédé un président de gauche qui juge l’antisémitisme répugnant, même quand il vient de la gauche extrême.

Le président a déclaré que l’enquête qui a permis de désigner le tueur de soldats et d’enfants avait été retardée par des dysfonctionnements. C’est un aveu qui lui coûte infiniment moins cher qu’à Nicolas Sarkozy, lequel exerçait le pouvoir quand la DCRI, Direction centrale du renseignement intérieur, n’a pas cru bon de prendre au sérieux immédiatement les informations transmises par certains de ses officiers et qui désignaient Merah. Ce qui pose une question lancinante : la DCRI a-t-elle manqué l’occasion de sauver des vies humaines ? Ancien ministre de l’Intérieur, Claude Guéant continue de nier farouchement toute défaillance des services qu’il contrôlait alors. Mais les révélations abondent, non seulement sur la formation au Pakistan de Merah en tant que djihadiste, mais sur ce que savait la DCRI et qu’elle n’a pas pris en compte parce qu’elle était persuadée que le tueur venait de l’extrême droite.  Merah était un assassin d’un incroyable sang-froid qui a réussi à « balader » les services de renseignement en leur faisant croire qu’il était une sorte de dandy des banlieues.

Des victimes musulmanes.

Les exigences relatives à une enquête approfondie pour situer les responsabilités dans le déroulement des crimes en série de Merah viennent de toutes parts : de la communauté juive, mais aussi des familles des trois soldats assassinés et qui étaient musulmans. La mère de l’un de ces trois soldats a d’ailleurs eu l’occasion de faire un discours bouleversant dans lequel elle soulignait à quel point elle et sa famille se sont intégrées dans la société française, en allant jusqu’à fêter Noël par respect pour les catholiques.

Ce qui veut dire que l’on ne pourra pas faire l’économie d’une enquête approfondie qui situera les dysfonctionnements et désignera ceux qui en portent la responsabilité. Il vaut mieux le faire. Il vaut mieux affronter la vérité. Les Français juifs se sentent certes menacés et ont besoin d’un répit que la persistance de l’antisémitisme risque de ne pas leur apporter. En revanche, la diligence de nos services de renseignements nous ont permis d’échapper, qu’on le sache ou non, à de multiples attentats. Nous tendons vers le zéro défaillance; ce qui est extrêmement difficile. Si une défaillance se produit quand même, nous devons en trouver les causes non pour punir des personnes qui, le reste du temps, nous ont bien protégés, mais pour faire en sorte qu’elle ne se reproduise pas.

RICHARD LISCIA

 

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