Chaos italien, chaos européen

Beppe Grillo, remède pire que le mal
(Photo AFP)

Les élections législatives en Italie aboutissent à un résultat qui rend le pays ingouvernable. La gauche, en effet, obtient une large majorité à la Chambre, mais pas au Sénat. Si, toutefois, Pier Luigi Bersani, chef de file du centre gauche, parvenait à former une coalition avec un autre parti, qui pourrait être le centre droit de Mario Monti, un gouvernement, sans doute minoritaire, serait mis en place. 

LES DEUX GAGNANTS sont Beppe Grillo, acteur comique qui s’est transformé en leader populiste et recueille 25,5% des voix à la Chambre (23,7 au Sénat), et le décidément indéboulonnable Silvio Berlusconi, dont le parti obtient quelque 29 % des suffrages (30% au Sénat), juste un peu moins que le centre gauche. Compte tenu des discours électoraux qu’ils ont tenus, Grillo et Berlusconi ne sauraient passer un accord de gouvernement, même si, à eux deux, ils réunissent une majorité. Secouée comme jamais auparavant par le programme d’austérité de Mario Monti, l’Italie s’est jetée dans les bras de candidats complètement dépourvus de crédibilité.

Grillo : un humour sinistre.

On sait ce qu’il en est de la corruption de Berlusconi, de ses méthodes qui consistaient à refaire les lois pour qu’elles servent ses intérêts financiers, de son obsession sexuelle et de l’immense cynisme de cet homme qui, pour obtenir des suffrages, a promis de rembourser à ses concitoyens les impôts que M. Monti leur a fait payer. Le désespoir des Italiens ne suffit pas à expliquer qu’ils puissent avoir la moindre sympathie pour Berlusconi, après tous les scandales auxquels il a été mêlé et tous les mensonges qu’il a prononcés. On sait moins que Beppe Grillo a un humour qui fait froid dans le dos. C’est un antisémite notoire, hargneux jusqu’à en être sinistre, qui, en outre,  a promis aux Italiens 1000 euros par mois pour tous sans dire avec quoi il va payer. Ses postures tranformeront la politique italienne en scène ubuesque et contribueront, à parts égales avec Berlusconi, à la plonger dans le ridicule. Il a en va ainsi de la démocratie et de la pusillanimité des peuples.

Les médias soulignent l’échec cinglant de M. Monti sans rappeler que c’est un gestionnaire, pas un bateleur ; et qu’il est moins à l’aise sur les tréteaux que devant les comptes de la nation. S’il a commis une erreur, c’est peut-être d’avoir décidé de présenter sa candidature, alors qu’il tirait sa force de ses qualités d’expert économique et financier à l’écart des magouilles nationales et qu’il n’avait pas d’expérience politique. S’il avait évité de participer à la campagne, il serait apparu, comme en 2011, comme l’unique recours d’une société divisée, chagrine, inquiète et déboussoulée. Avec ses quelque 10 %, M. Monti pourrait néanmoins apporter à M. Bersani, qui n’est pas, lui non plus, une personnalité moulée dans le cirque électoral, une force d’appoint susceptible d’aider à la formation d’un gouvernement. Encore faut-il que les résultats finals des élections sénatoriales accordent une avance suffisante à M. Bersani ou que les deux autres partis acceptent un gouvernement minoritaire.

Une crise européenne.

Les marchés ont réagi négativement aux résultats des élections italiennes, les bourses et l’euro chutant lourdement. C’est que le malheur de l’Italie est aussi celui de l’Europe, qui s’est réjouie trop tôt du redressement accompli par M. Monti, plus aimé à Berlin et à Paris qu’à Rome ou à Naples. Ce que l’on voit émerger en Italie, mais aussi en Espagne et en France, c’est un front anti-européen, anti-euro, anti-stabilisation économique et financière. Non seulement les États en proie à un endettement excessif (2 100 milliards de dette italienne) éprouvent de très sérieuses difficultés pour ramener leurs budgets à l’équilibre, mais les peuples sont violemment hostiles à une rigueur qui, certes, les a déjà fait cruellement souffrir, mais apparaît comme le seul moyen de soigner les économies.

Il règne, sur l’Italie et sur l’Europe, une grave incertitude au sujet de l’avenir immédiat, comme si nous étions, nous Européens, au fond de l’abîme et n’avions pas commencé à remonter. L’indignation populaire va forcément donner un coup de frein à la réduction des dépenses publiques, affaiblir l’euro, éloigner la perspective du redressement. Nous sommes tous des Italiens.

RICHARD LISCIA

 

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