Tapie saisi


Le rôle de la victime
(Photo AFP)

Les juges qui ont mis Bernard Tapie en examen pour « escroquerie en bande organisée » ont également saisi, le 28 juin dernier, une partie de ses biens : les parts qu’il possède dans son hôtel particulier à Paris, une villa à Saint-Tropez, un contrat d’assurance-vie pour un montant de 20 millions d’euros. Ils ont lancé des commissions rogatoires pour geler d’autres biens d’une valeur plus importante. M. Tapie n’entend pas se laisser faire.

IL NE DISPOSE PAS, cependant, de beaucoup de moyens pour contre-attaquer. La justice a pris ces dispositions pour empêcher l’homme d’affaires d’organiser lui-même son insolvabilité. Elle ne le prive pas, d’ailleurs, de la jouissance de ses biens saisis. Il n’est pas à la rue et on suppose qu’il n’est pas menacé de mourir de faim. Cherchant sur le plan médiatique et par les effets d’annonce une parade à ses revers, il a dénoncé hier une justice qui adopte des décisions défavorables pour lui avant même que sa culpabilité ne soit prononcée. Il tente aussi de sortir de l’affaire en proposant ses services aux radicaux de gauche à l’occasion des élections municipales à Marseille. Le président du MRG, Jean-Michel Baylet, a reconnu que Bernard Tapie est une arme utile contre le Front national, qu’il a toujours combattu avec vigueur, mais qu’en l’occurrence, il valait mieux qu’il règle ses démêlés avec la justice avant de reprendre du service en politique.

Contradictions.

M. Tapie ne semble pas discerner ses propres contradictions : « S’il y a entourloupe, avait-il déclaré après la mise en examen du juge Estoup, je rends l’argent » (les 403 millions que l’État lui a versés en juillet 2008 en dédommagement  après la vente d’Adidas). Ne trouve-t-il pas logique que, compte tenu de la suspicion dont il fait l’objet, les juges prennent des mesures conservatoires qui ont, de surcroît, le mérite de ne pas l’accabler ? Il nous semble que, même si Tapie est condamné, et même s’il rembourse la totalité de la somme qui lui a été octroyée par le tribunal d’arbitrage, il lui restera encore assez d’argent pour vivre mieux que vous et moi. Personne n’est dupe du rôle de victime qu’il joue et, bien qu’il ait rebondi très souvent, que ses multiples talents soient remarquables, que ses techniques de séduction confinent à la magie, il est probable qu’il a épuisé toutes ses cartes et que son « charme » n’opère plus. On ne peut pas tromper tout le monde tout le temps, disait en substance Abraham Lincoln, et les cimetières sont pleins de champions de la haute voltige qui ont fini par s’écraser au sol.

Ce qui, bien entendu, ne doit rien enlever à la présomption d’innocence. Les avocats de M. Tapie continuent à dire que le dossier de l’accusation est « vide ». On verra bien. Ce qui rend circonspects tous les observateurs de droite ou de gauche, c’est le passé de M. Tapie. Des affaires obscures et enchevêtrées, un management occulte, des fraudes confirmées et sanctionnées par la prison, des allers-retours entre la richesse et le dépouillement, des difficultés chroniques avec la justice et surtout cette propension à noyer le sujet inquiétant de ses éventuelles malversations dans un pseudo discours politique, moral, victimaire. Est-ce une façon décente de gérer ses affaires ? M. Tapie est le genre d’homme qu’on ne prendrait pas en auto-stop.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Tapie saisi

  1. Levadoux dit :

    Votre commentaire est vraiment intelligent, très intelligent .

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