La guerre à contre-coeur

Bachar : imprécations
(Photo AFP)

Les complications diplomatiques auxquelles le projet de frappe militaire en Syrie a donné lieu compromettent sérieusement l’intervention et créent des crispations qui font le jeu de Bachar Al-Assad. On ne peut cependant reprocher à François Hollande ni la cruauté du dictateur, ni la position absurde adoptée par Vladimir Poutine, ni les atermoiements de Barack Obama. Le président français continue à dire très clairement ce qu’il est prêt à faire, jusqu’où il souhaite aller, et où il s’arrêtera, c’est-à-dire que, si l’Amérique renonce, la France n’ira pas.

COMME L’A SOULIGNÉ Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, le renoncement des Occidentaux fera plus de mal que de bien, alors que des frappes permettraient d’affaiblir Bachar et protègeraient les populations civiles syriennes. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la France et les États-Unis se sont privés de l’élément de surprise, indispensable à la réussite des premiers bombardements, de sorte que le dictateur, qui aura entretemps disséminé ses armes, ne sortira pas nécessairement vaincu par l’intervention franco-américaine. M. Hollande a le mérite de ne trahir aucune impatience, alors que se multiplient les digressions. Le président Obama veut consulter le Congrès, qui se réunit le 9 septembre, et voilà que Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU estime que les Américains et les Français ne peuvent pas attaquer la Syrie sans avoir obtenu au préalable un blanc-seing international, celui-là même que les Russes refusent obstinément de donner.

Poutine plus conciliant.

Le labyrinthe diplomatique est encore plus compliqué qu’on ne l’imagine. À la veille du G-20, Vladimir Poutine, sans doute mortifié par la décision de M. Obama de ne pas le rencontrer en tête-à-tête, affirme que le président américain est un bon interlocuteur et qu’il lèvera son veto au Conseil de sécurité si le gouvernement américain apporte des preuves convaincantes du recours aux armes chimiques par Bachar. On n’en est plus à se demander si du gaz sarin a été utilisé, mais on veut, dans le camp non-interventionniste, qu’en soit démontré l’usage par les forces de Bachar et non par les insurgés. Pour François Hollande, les combattants de l’Armée de libération syrienne n’ont pas les moyens logistiques nécessaires pour répandre le gaz. En outre, l’usage du sarin a été suivi par des bombardements classiques sans doute destinés à éliminer les preuves du crime de Bachar.

La polémique franco-française sur la consultation du Parlement n’a aucune raison d’être. Laurent Fabius a expliqué que demander à l’Assemblée et au Sénat un vote qui approuverait l’intervention serait ridicule si par ailleurs le Congrès refusait de soutenir M. Obama. Aujourd’hui, les élus auront donc écouté sans voter les explications du Premier ministre (à l’Assemblée) et du chef de la diplomatie (au Sénat). Il n’est pas impossible, dit-on à l’Élysée, que le président demande un vote de soutien après le début des frappes. L’opposition a cédé à la tentation de critiquer le gouvernement dans une affaire sérieuse de sécurité extérieure ; elle aurait mieux fait de s’en tenir à la position qu’elle avait adoptée lors de la guerre du Mali au début de l’année, en s’appuyant sur le principe du consensus national en cas de conflit. La crise syrienne n’est pas moins grave que celle du Mali, elle présente des dangers de contamination à toute la région, et François Hollande a su réagir avec fermeté.

Il a su notamment opposer aux malédictions et aux éructations de Bachar une forme de dignité et, surtout, un discours calme et rassurant dans lequel il a indiqué que les menaces du dictateur renforçaient sa détermination à l’attaquer. C’est le fond du problème et il est à triple détente : nous ne sommes pas sûrs d’intervenir, nous n’avons pas défini les limites de l’intervention et il vaudrait mieux en finir avec Bachar, plutôt que de le laisser renaître de ses cendres après les bombardements.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à La guerre à contre-coeur

  1. Bonne analyse de la situation actuelle. A suivre.

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