Écotaxe : le gouvernement renonce

Fâchez-vous, il en restera quelque chose
(Photo AFP°

Au terme d’une réunion ce matin à Matignon, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé que l’écotaxe serait suspendue sur l’ensemble du territoire pour laisser le temps au dialogue sur ce sujet qui a soulevé la colère des Bretons. Le gouvernement a donc pris une décision radicale dans un domaine fiscal où les arguments favorables étaient plus nombreux que pour ce qui concerne la taxation de l’épargne. On ignore, bien entendu, comment les recettes de l’écotaxe et les coûts qu’elle a déjà engendrés seront récupérés par les pouvoirs publics.

L’ÉCOTAXE n’aurait jamais dû relever du champ, très large, de la fiscalité. Elle a été adoptée par le gouvernement de François Fillon, ce qui n’empêche pas Jean-Louis Borloo, autrefois ministre de l’Environnement, de s’y opposer aujourd’hui avec vigueur. Bien que la droite en général l’ait vivement critiquée ces derniers jours, l’ancien ministre des Transports, Dominique Bussereau, estime qu’elle « reste une bonne mesure ». En outre, le précédent gouvernement avait commandé les portiques utilisés pour le contrôle du trafic des poids-lourds avec une clause de dédit qui va coûter 800 millions d’euros. C’est dire que, en l’occurrence, le remède choisi par M. Ayrault est aussi catastrophique que l’aurait été la mise en vigueur de la mesure.

Question de climat général.

On comprend fort bien ce qui a animé les agriculteurs bretons. Dans nombre de cas, l’écotaxe risquait de les ruiner en rongeant leurs marges de profit. Mais on se doute aussi que, dans leur opposition violente à l’écotaxe, ils ont été encouragés par le climat délétère que la multiplication des impôts de toutes sortes a créé dans le pays. Et encouragés aussi par l’opposition qui, faisant feu de tout bois, est montée au créneau contre une disposition qu’elle avait votée en son temps. Jean-François Copé, chef de l’UMP, dit aujourd’hui, non sans mauvaise foi, que ce qui a été décidé naguère n’est plus valable aujourd’hui, que les Français ont été accablés par 55 milliards d’impôts supplémentaires accumulés en deux ans, qu’il est maintenant sensible aux appels de détresse des petites entreprises qu’il a entendus.

Il ne reste plus qu’à espérer que le gouvernement entreprendra vite le dialogue qu’il a annoncé s’il ne veut pas signer une nouvelle défaite. Ce qui est en question, c’est la faculté des pouvoirs publics à lever l’impôt. On a parlé de « jacquerie » en Bretagne, mais il est clair désormais que pour échapper à un impôt, il suffit de hurler à l’unisson contre la fiscalité. Et que le gouvernement, affaibli, craint comme la peste les conflits sociaux ou moraux auxquels, à ce jour, il a toujours cédé, qu’il s’agisse de la réforme des retraites, de l’affaire Leonarda, de la fiscalité de l’épargne ou de l’écotaxe. Il n’a été intransigeant que dans l’adoption de la loi sur le mariage homosexuel. Pire, certaines de ses mesures particulièrement importantes sont de simples allers-retours. On annonce un impôt, le peuple gronde, la mesure est annulée.

Une réforme fiscale ?

Le pouvoir marche donc à tâtons, sans projet fédérateur, sans vision de l’avenir, avec une comptabilité absurde, l’impôt n’étant pas toujours perçu et la dépense publique n’étant pas, pour le moment, diminuée. L’ambiance est si mauvaise que les rumeurs se multiplient sur un changement de Premier ministre, sur une dissolution susceptible de remettre au pas la gauche de la gauche, alors qu’une réforme fiscale, celle qu’a promise le candidat Hollande, aurait pu être mise en place à moindres frais. C’est par elle qu’il eût fallu commencer plutôt que par le mariage pour tous, qui a divisé les Français et aurait pu attendre un an de plus. Mais le gouvernement n’a plus le temps : le budget doit être adopté avant la fin de l’année et une réforme exige un laps de temps beaucoup plus long. On peut toujours croire qu’on s’y attellera en 2014, mais on peut craindre que le débat qui la précédera sera violent.

RICHARD LISCIA

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