Berlusconi bouge encore

Conscient de son sort
(Photo AFP)

Le Sénat italien a expulsé Silvio Berlusconi, de sorte que, privé de tout poste électif, l’ancien président du Conseil a perdu son immunité parlementaire. À 77 ans, il est impliqué dans six procès en cours. « Aujourd’hui, a-t-il dit, est un jour amer, un jour de deuil pour le droit et la démocratie », a-t-il déclaré mercredi soir, au terme d’une journée qui a enterré sa vie politique. Il ne compte pas pour autant se « retirer dans un couvent » et a donné rendez-vous à ses ennemis pour les prochaines échéances électorales.

Il Y AVAIT foule, mercredi, pour acclamer Berlusconi, mais il est bien peu probable qu’il puisse faire un come-back. Sa déchéance politique, morale et judiciaire a été prononcée il y a quelques semaines par son ex-premier lieutenant, Angelino Alfano, actuellement ministre de l’Intérieur, qui a refusé de déclencher un nouveau chaos en Italie en se retirant de la coalition gouvernementale dirigée par Enrico Letta. En effet, Berlusconi n’aurait pu se maintenir au Sénat et n’aurait provisoirement échappé aux poursuites judiciaires que s’il avait pu provoquer un blocage au Parlement qui aurait entraîné des élections anticipées.

Une chute irrésistible.

Cette fois, en dépit des louanges dont ses amis, à la Chambre et dans les médias qui lui appartiennent, l’ont couvert, la classe politique a refusé de se mettre au service de la protection de l’ancien chef du gouvernement, dont la chute est irrésistible. Les Italiens, y compris ceux qui l’admirent encore, ne sont plus dupes de ses rodomontades ni de la mise en scène de ses revers, qu’il évoque pour se présenter en victime. « Aucun leader au monde n’a subi une telle persécution », a-t-il déclaré, rayant d’une phrase tous les chefs d’accusation dont il a fait et fait l’objet encore, tous les procédés mis en oeuvre pour conquérir et garder le pouvoir, toutes ses turpitudes personnelles dont on se soucierait guère si elles ne troublaient l’ordre républicain.

Berlusconi a pratiquement mis l’Italie à sa botte, en contrôlant les médias, en multipliant les provocations populistes, en abolissant la ligne séparant l’argent de la politique. Sa longévité ne s’explique que parce qu’il a fait voter des lois dont le seul objectif était de le protéger. La « persécution » dont il se dit victime n’est que le corollaire du système corrompu qu’il a installé dans une démocratie respectable et qui, par une cynique manipulation du droit et des institutions, l’a rendu invulnérable pour longtemps.

Mauvaises expériences.

L’Italie n’est pas pour autant sortie d’affaire. Non seulement parce que Berlusconi entend revenir en force, mais parce qu’elle continue à faire de mauvaises expériences politiques. À gauche, elle a élu des gens qui ont plus rêvé du pouvoir qu’ils ne l’ont exercé ; à droite, elle a remplacé une démocratie chrétienne à bout de souffle par l’ersatz berlusconien ; après la longue lune de miel avec un dangereux bouffon, elle s’est jetée dans les bras d’un autre excentrique incapable de gouverner, Beppe Grillo, amuseur public transformé en leader charismatique par la pusillanimité des Italiens.

Au terme de cette succession d’essais infructueux qui ont aggravé la crise, elle semble sur la voie de la normalisation. D’abord parce que les réformes de Mario Monti étaient sérieuses et profondes ; ensuite parce que le gouvernement de coalition actuel préfère la résolution des problèmes au lyrisme démagogique. Comme les Français, les Italiens doivent lutter contre la dépression que la crise leur inflige. Ils sont actifs, industrieux, disposent d’un bon maillage de PME, exportent. Ils n’ont pas tellement besoin de se réinventer : ils trouveront leur salut en restant eux-mêmes sans s’emballer pour tel ou tel histrion qui leur promet la Lune.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Berlusconi bouge encore

  1. A3ro dit :

    La dernière phrase est intéressante. Je me demande dans quelle mesure on peut l’appliquer à la France.

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