La mise à mort de la voiture

Ce matin, les pairs étaient délinquants
(Photo AFP)

L’urgence sanitaire rendait indispensable la décision d’imposer la circulation alternée dans un certain nombre de régions. Parvenue à un stade insupportable, la pollution a inversé l’ordre des priorités. Aussi bien l’interdiction de rouler ne va-t-elle pas sans des inconvénients majeurs. Tous ceux qui glorifient la répression de l’automobiliste devraient s’en souvenir. C’est tellement vrai que le gouvernement, après avoir satisfait aux exigences des écologistes, s’est empressé de rapporter la mesure.

LE MINISTRE des Transports, Frédéric Cuvilier, s’est réjoui ce matin de la réduction du nombre des bouchons. Tout ira très bien, en effet, lorsque, au nom de la pureté de l’air, toutes les routes auront été dégagées. Tout ira très bien quand l’industrie automobile française s’effondrera. Quand des centaines de milliers de Français cesseront de travailler parce que les transports en commun ne desservent pas leur commune. Il y avait une raison essentielle pour laquelle aucun gouvernement n’a décidé d’alterner la circulation depuis 1997 : ce n’est pas une bonne mesure. Quand on la prend, on n’a pas la moindre considération pour les autres paramètres du problème. Elle résulte des pressions des écologistes et elle n’entre pas dans le cadre d’une action concertée préservant le travail et la production.

Sadisme.

L’incrimination du diesel prend une tournure sadique : on désigne comme criminels les propriétaires de voiture fonctionnant au gazole après les avoir encouragés pendant des décennies à acheter ce type d’automobile. On décrit les conséquences horribles sur la santé publique du moteur diesel alors qu’il était possible de l’éliminer au cours du demi-siècle écoulé. On entend avec incrédulité Anne Hidalgo annoncer la suppression du diesel dans Paris alors que les usines continuent à produire des voitures diesel et que, par ailleurs, on nous a juré que les nouvelles automobiles de ce type ne présentent plus aucun danger.

Aujourd’hui, à 10h30, on avait créé à Paris 3 000 délinquants nouveaux, les automobilistes qui circulaient avec un nombre pair. Qui sont-ils ? Des citoyens qui n’appartiennent à aucune des nombreuses catégories professionnelles bénéficiant d’une dérogation, mais qui, pour leur travail, ne peuvent pas se passer de la voiture. L’auto devient une nouvelle cigarette : elle n’est pas abolie, mais en faire l’usage vous classe dans le groupe des parias. On n’est pas loin du fantasme collectif de la prohibition.

Contre la circulation-loisir.

Si on veut que les gens ne circulent plus en voiture, il faudrait commencer par leur donner des transports publics rapides, efficaces, propres et sûrs, ce qui n’est pas vraiment le cas. On pourrait demander aux gens de ne pas circuler pour leur seul plaisir, ce qu’ils font tous les week-ends et qu’ils ont encore fait les 15 et 16 mars, jours pendant lesquels la circulation était bizarrement autorisée, alors qu’il y a très peu de gens qui travaillent samedi et dimanche. On pourrait en finir avec ces énormes 4X4, pollueurs invétérés et encombrants, que certains utilisent dans les grandes agglomérations. Si on ne veut plus du diesel, il faut commencer aujourd’hui à en arrêter la production et ne plus le mettre sur le marché.

Le sujet, l’environnement, est d’importance cardinale. Il est traité avec une absence totale de discernement. Au nom de la santé de tous, les écologistes s’érigent en procureurs qui jugent et condamnent toute une population, comme si chacun d’entre nous n’était pas le pur produit d’une démocratie qui a choisi la société où nous sommes. Il y a pourtant un pouvoir exécutif et un pouvoir législatif dans ce pays, et ils sont seuls responsables de ce qui arrive. À eux de prendre des lois capables de diminuer ou même d’éliminer la pollution. Mais on ne peut pas présenter comme criminel ce qui le jour précédent était licite. La sincérité écologiste du gouvernement a d’ailleurs ses limites : la qualité de l’air s’étant améliorée entretemps, il autorise tout le monde à circuler dès demain. Le prix de sa décision et les élections municipales ont eu raison de sa bonne volonté.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à La mise à mort de la voiture

  1. Dr Jérôme Lefrançois dit :

    Comme d’habitude, ce gouvernement marche sur la tête…
    Le parc automobile français a plus de 8 ans de moyenne d’âge, il faut donc en accélérer le renouvellement; et taxer et réduire le nombre considérable de poids-lourds (dont beaucoup d’étrangers) circulant sur les autoroutes françaises; une autre question : que font les pouvoirs publics concernant leurs flottes de véhicules ? Sont-ils électriques, ou simplement à l’essence et non au diesel?
    Ce sont les gouvernements successifs depuis 40 ans qui ont artificiellement favorisé le diesel en France.
    Que font les pouvoirs publics pour favoriser le co-voiturage et le ferroutage ?
    Alors, gêner les (rares) Français qui vont travailler en imposant cette circulation alternée ne ressemble pas à grand-chose d’autre qu’à la politique du sapeur Camember, creusant un trou pour boucher le trou d’à côté,
    nous sommes dans la logique du pouvoir actuel…et ça donne les résultats que tout le monde peut constater quotidiennement.

  2. Chambouleyron dit :

    Sans aucun discernement voulu, en proie à une démagogie populiste et une idéologie écologique le pouvoir hollandais se débat dans le marigot de l’impuissance catégorielle oubliant l’intérêt général à long terme. Vous avez raison, M. Liscia. Ça tire à hue et à dia !

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