L’Ukraine perd la Crimée

Le fait accompli
(Photo AFP)

La Crimée vote dimanche pour dire si, oui ou non, elle elle est indépendante de l’Ukraine et si, in fine, elle doit être rattachée à la fédération de Russie. L’issue du scrutin ne fait aucun doute, dès lors que les habitants de la Crimée sont russes ou russophones à 60 %. Ainsi Vladimir Poutine poursuit-il son plan eurasiatique destiné à contenir l’influence de l’Union européenne et de l’OTAN. 

EN PROCÉDANT de force à ce référendum, avec troupes et blindés à l’appui et pendant que se déroulent de grandes manoeuvres militaires avec parachutistes, la maître de Moscou viole tous les accords passés qui garantissaient son indépendance et celui qui, en 1964, accordait à l’Ukraine le territoire de Crimée. En outre, l’Ukraine n’a accepté, en 1994, sa dénucléarisation totale, avec l’accord de la Russie, que si son intégrité territoriale était respectée, ce qui n’est plus le cas. M. Poutine, en agissant de la sorte, cherche à se rassurer : il estime que le choix de l’OTAN par les pays baltes et la Pologne n’a pour résultat que de l’encercler. C’est par l’offensive qu’il assure sa défense. Il envisage même de forcer les États baltes à sortir de l’OTAN.

Ceux qui soutiennent Poutine.

Il existe une école de pensée géopolitique qui reconnaît certains mérites à la position de Poutine. Qui refuse de voir la Russie, cet immense pays, ravalé au statut de puissance moyenne. Qui juge légitime, surtout du point de vue historique, que la Russie conserve son accès aux mers chaudes. Que les révolutionnaires ukrainiens ont manqué de prudence et de réalisme. Que l’Ukraine sans la Russie n’a pas d’avenir. Tout cela est bel et bon,  à ceci près que M. Poutine ne sait rien faire qui ne soit complètement illégal. Il ne respecte aucun des engagements antérieurs de la Russie ; si référendum il devait y avoir, il devait concerner la totalité des Ukrainiens ; il a occupé militairement la Crimée ; rien ne l’empêchera demain de rattacher à la Russie la partie orientale de l’Ukraine où russes et russophones sont nombreux.

Poutine a renoncé à la démocratie chez lui et dans les pays autrefois satellites de l’URSS. Non seulement il donne de son pays une image militariste, mais il a jugulé la presse et l’opposition dans son pays. Une oligarchie malhonnête a remplacé la nomenklatura communiste. La corruption, l’absence du droit, une justice aux ordres règnent en Russie. Ce n’est pas Poutine qui apportera à l’Ukraine l’aide dont elle a cruellement besoin pour sortir de l’ornière économique et sociale.

Une aide américaine. 

Ce n’est pas non plus l’Europe ou les États-Unis, qui assistent impuissants à l’annexion de la Crimée par les Russes, même si le Congrès américain a voté une aide d’urgence d’un milliard de dollars à l’Ukraine (il en faut 35). Poutine met les Ukrainiens et les Occidentaux devant le fait accompli parce qu’il sait que personne ne fera la guerre pour les Ukrainiens. Le président de l’Ukraine par intérim, Arseni Iatseniouk, a fait une excellente impression à Washington, où il a été accueilli comme un champion de la liberté. Mais sa tâche est accablante. Il doit remettre au travail un pays qui, certes, ne manque pas de ressources, mais est divisé en ethnies différentes et en courants politiques opposés. Il ne peut pas empêcher le dépeçage de l’Ukraine. Il a perdu la Crimée. S’il fait mine de se rapprocher de l’UE et, pire encore, de l’OTAN, l’Ukraine sera envahie par l’armée russe, alors que son seul espoir repose dans une aide massive des Occidentaux, par Fonds monétaire international interposé (FMI).

Si on ne peut pas s’opposer à Poutine par la force, il faut négocier. C’est-à-dire le rassurer, notamment en lui garantissant la neutralité de l’Ukraine. Il faut rechercher un accord à la fois politique et économique qui associerait la Russie au FMI. Mais la Crimée, elle, aura pris le large.

RICHARD LISCIA

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