Poutine pris au piège

L’as de la désinformation
(Photo AFP)

Beaucoup de gens admirent Vladimir Poutine, notamment en Russie où sa cote de popularité a bondi grâce aux positions furieusement nationalistes qu’il a adoptées dans son différend avec l’Ukraine. En France, des voix s’élèvent qui nous demandent d’essayer de le « comprendre »: il défendrait les intérêts d’une Russie avec laquelle, quoi qu’on en pense, il faut compter.

CETTE ATTITUDE, censée rompre avec la fameuse « pensée unique » d’une Europe sur le déclin, a fini par rendre aveugles des analystes qui seraient plus subtils que nous. Elle conduit à ne pas mesurer un crime monstrueux qui vient d’être commis parce que M. Poutine joue aux apprentis sorciers avec des conséquences catastrophiques : la destruction en vol d’un avion de la Malaysian Airlines avec ses 298 passagers. La Russie officielle, fortement soupçonnée d’avoir donné aux pro-Russes ukrainiens les missiles sol-air dont l’un aurait abattu l’appareil, nous a fourni une foule d’explications alambiquées parmi lesquelles aucune n’engagerait la responsabilité de Moscou. C’est le gouvernement ukrainien qui a commis cette effroyable bavure ; c’est l’avion personnel de Poutine, retour d’Amérique Latine, qui était visé ; la Russie n’a pas donné d’armes aux pro-Russes; un complot euro-américain a été organisé pour discréditer la Russie ; un chasseur ukrainien suivait l’avion de ligne malaisien juste avant sa disparition des radars.

Arguments cousus de fil blanc.

Les Américains, qui disposent de moyens d’observation efficaces grâce à leurs satellites, ont apporté la preuve d’un tir de missile sol-air à partir de la zone tenue par le pro-Russes. La machine russe de propagande a certes convaincu les Russes, mais personne d’autre. On ne s’avance pas beaucoup si on déclare que le crime est signé par le Kremlin, que les arguments russes sont cousus de fil blanc et que, si Poutine n’a jamais souhaité abattre l’avion de ligne, il n’en est pas moins responsable à 100% de ce qui s’est produit. À telle enseigne que, après avoir laissé les pro-Russes détruire les preuves sur le site du crash, il les a contraints à donner les deux boîtes noires aux autorités néerlandaises. Présenté comme un personnage énigmatique dont les intentions seraient insondables, Vladimir Poutine est en réalité bien embêté par les effets délétères de sa politique de force, celle-là même qui devait lui permettre de triompher des Ukrainiens et des Européens mais qui l’a envoyé dans les cordes.

Enfoncé dans le mensonge.

Et maintenant, que va-t-il faire ? Il est à peu près impossible d’établir la vérité, en dépit des données recueillies par les Américains et des communications interceptées qui montrent des conversations entre abrutis pro-Russes constatant le désastre qu’ils ont provoqué. As des manoeuvres dilatoires, M. Poutine s’appuiera sur les incertitudes pour diffuser sa désinformation. Pour le moment, les commentaires de la presse mondiale sont marquées par la prudence. Ces réserves sont inutiles et contre-productives. En France, on mettrait Poutine en examen pour beaucoup moins que ça. Il faut donc affirmer sans ambages que le criminel, c’est lui. Et tant qu’il inventera des scénarios complexes et contradictoires, il ne fera que s’enfoncer dans le mensonge. Sinon, qu’il se disculpe, nous aurons tout le temps de faire amende honorable, mais cette hypothèse est invraisemblable.

Le machiavélisme de Poutine ne l’a pas empêché d’être imprudent. L’aversion que lui inspirent les dirigeants de Kiev l’a poussé à la faute en l’incitant à donner des armes incontrôlables à quelques pauvres types, meilleurs dans les bagarres de bistrot que dans la manipulation de l’électronique. Ce qui est lamentable, c’est l’indignité d’un  chef d’État associé à des individus qui en sont restés à l’âge de pierre. Il ne faut pas se priver de le dire parce que nous allons continuer d’entendre la plus grossière des propagandes.

RICHARD LISCIA

PS- J’interromps cette chronique pendant trois semaines. Ceux qui m’accordent le privilège de me suivre me retrouveront sur le même site à partir du 18 août. À tous, je souhaite de bonnes vacances.

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6 réponses à Poutine pris au piège

  1. guinard dit :

    Très bonnes vacances également à vous, cher talentueux chroniqueur !

  2. elisabeth VOLLEREAUX dit :

    Je suis d’accord, vous êtes un très talentueux chroniqueur,
    Bonnes vacances

  3. Pour vous faire une idée un peu plus juste au sujet de l’Ukraine, de la Russie et des responsables de l’abominable bavure concernant l’avion de la Malaysian airline, regardez les commentaires de Jacques Sapir, et ceux du journaliste américain Robert Parry. Les mensonges ne viennent pas toujours du côté qui semblait évident pour nous. La vérité est si difficile à trouver quand la politique ressemble à un poker menteur.. Bonnes vacances tout de même.

    Réponse
    Il y a toutes sortes de commentaires et il y a des spécialistes de la désinformation.

  4. marie paule stopiello dit :

    Bonnes vacances les évenements s’accèlèrant, j’attends votre retour et vos commentaires avec impatience

  5. Delteil christian dit :

    Nous ne sommes pas toujours d’accord avec vos analyses mais deux choses sont certaines,c’est leur qualité, et l’impartialité dont vous faites toujours preuve qui manque souvent à d’autres que vous. Bonnes vacances donc en attendant notre prochaine rencontre.

  6. Belzevute dit :

    Je vous attends!
    Reposez-vous .

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